LA GUERRE C'EST LA PAIX : l’Ukraine, dernier rempart des démocraties ?

Le 10/03/2024 0

Article du 10 mars 2024

Les puissants qui nous gouvernent /dirigent (barrer la mention inutile) n’ont de cesse depuis quelques semaines de vouloir que nous en décousions, nous les peuples, contre Poutine. N’avons-nous rien appris de 1914 puis de 1945 ?

Pour disposer les peuples, il faut supprimer toute nuance, peindre le monde en noir et blanc, en blanc contre noir. N’avons-nous rien retenu de 1984 de George Orwell ?

Au fronton du Ministère de la Vérité, sont affichés les trois slogans qui disent cette Vérité :

LA GUERRE C'EST LA PAIX

LA LIBERTE C'EST L'ESCLAVAGE

L'IGNORANCE C'EST LA FORCE

Chaque jour sont diffusées sur des écrans les « Deux Minutes de la Haine » : un programme dans lequel le peuple est encouragé à vomir sur la figure du Mal, Emmanuel (pas Macron, non non) Goldstein.

Voir Goldstein, ou même penser à lui, produisait automatiquement la crainte et la colère. Il était un objet de haine plus constant que l'Eurasia ou l'Estasia, puisque lorsque l'Océania était en guerre avec une de ces puissances, elle était généralement en paix avec l'autre.

« LA GUERRE C'EST LA PAIX » : c’est le discours que l’on entend monter partout dans les médias de notre Ministère de la Vérité. Pour peindre le monde en noir, Poutine doit absolument être fou. La Russie doit être ce pays qui a toujours été notre ennemi. Foin de l’Histoire…

L'Océania était en guerre avec l'Eurasia. L'Océania avait, par conséquent, toujours été en guerre avec l'Eurasia. L'ennemi du moment représentait toujours le mal absolu et il s'ensuivait qu'aucune entente passée ou future avec lui n'était possible.

Pour peindre le monde en blanc, il faut que l’Ukraine soit le représentant de ce qui est nommé par fois l’Occident parfois l’Europe, parfois la Démocratie. Nos médias et nos politiques entonnent sans contradiction ce discours.

L’Ukraine qu’est-ce que c’est, au juste ?

Si je me mêlais d’en faire le portrait, on aurait beau jeu de me suspecter de parti pris. Alors, je ne vais pas me risquer à cet exercice. Je préfère laisser la parole à nos représentants du Ministère de la Vérité, ceux qui peignent l’Ukraine de toutes les jolies couleurs de la Vertu démocratique. Eux sont insoupçonnables, non ? Les médias sont volontiers amnésiques, les populations aussi. Mais je ne le suis pas, internet non plus. Petit retour vers le passé, vers les discours de nos médias entre 2000 et 2022. De quoi l’Ukraine était-elle alors le nom ?

1. Ukraine et corruption

Commençons après la révolution du Maïdan, avec un article de février 2015,

https://www.theguardian.com/news/2015/feb/04/welcome-to-the-most-corrupt-nation-in-europe-ukraine

Welcome to the most corrupt nation in Europe.

Le ton est donné.

« En Ukraine, la “révolution de la dignité” a abouti à la corruption, au nationalisme et au déclin des libertés »

Cela n'engage que lui, me direz-vous, pas Le Monde. Certes, comme n'engagent qu'eux les analyses de nos experts de plateau. Mais Minakov n'est pas seul, loin de là. En 2018, France 24 fait un reportage sur la question de la lutte contre la corruption en Ukraine.

https://www.france24.com/fr/billet-retour/20181123-ukraine-bilan-revolte-maidan-kiev-corruption-russie-ianoukovitch

A tout le moins, le bilan est contrasté :

Les Ukrainiens ont des avis très divers sur les accomplissements de la révolution. Beaucoup ont été amèrement déçus. Aucune figure d’envergure n’a été condamnée à de la prison, ni pour corruption, ni pour implication dans les morts du Maïdan (la plupart des alliés de Ianoukovitch se sont réfugiés en Russie). Le gouvernement actuel bloque les réformes anticorruption et ne cède qu’aux pressions de la société civile et des donateurs étrangers qui maintiennent l’économie à flot. Nombre d’Ukrainiens, comme Artem Lymar et sa femme que nous interrogeons dans ce reportage, trouvent absurde que tant de sang ait coulé pour si peu de changement.

Mais d’autres ont encore espoir. Le reportage leur donne la parole. Moi aussi

Mais beaucoup d’autres ne sont pas du même avis. Plus optimistes, ils pensent que ceux qui sont déçus de la situation actuelle, ne comprennent pas pleinement à quel point elle était mauvaise auparavant, ni à quel point elle pourrait être mauvaise si Ianoukovitch était resté au pouvoir et s’il avait fait passer le pays complètement sous la coupe de Moscou. Des militants anti-corruption, comme Vitaliy Chabounine, soulignent qu’un grand nombre de réformes ont été adoptées grâce à leur pression. Elles n’ont peut-être pas encore porté leurs fruits, mais ils sont persuadés que cela arrivera.

Pas encore de fruits visibles et donc poursuite de la corruption en 2018.

Après la révolution du Maïdan de 2014, la corruption continue. Le pays est classé par Transparency international dans le fond du classement des 180 pays du monde. https://www.transparency.org/en/press/a-year-after-maidan-ukraine-is-still-the-most-corrupt-country-in-europe

Libération documente ce fait encore en 2019 :

https://www.liberation.fr/planete/2019/03/18/corruption-avec-porochenko-l-ukraine-condamnee-a-l-impunite_1715971/

L’article reconnait des progrès.

Une récente étude du think tank Institute for Economic Research and Policy Consulting (IER) relève une réduction des «opportunités de corruption» entre 2014 et 2018.

Mais retrace quelques belles opportunités de corruption encore :

Dernier en date, c'est un scandale dans le secteur de la défense qui déchire la classe politique. Des journalistes d'investigation de l'équipe Nashi Hroshi («Notre argent») ont mis au jour un circuit de contrebande d'équipements militaires russes, vendu au prix fort à l'armée ukrainienne. La combine, de 2015 à 2017, aurait rapporté au moins 8,2 millions d'euros à la famille d'un proche collaborateur de Petro Porochenko, le secrétaire adjoint du Conseil national de sécurité et de défense. Les allégations de fraudes étaient nombreuses concernant le secteur de la défense, dont les marchés publics sont tenus secrets à 80 %. Dans un pays en guerre, une telle enquête, étayée et chiffrée, est un séisme politique.

Comble du scandale : toutes les institutions de lutte contre la corruption qui auraient dû s’attaquer à cette affaire l’ont en fait couverte. Certains enquêteurs auraient reçu des compensations matérielles. Le Bureau national anticorruption (Nabu), institution chérie des réformateurs, est aussi éclaboussé.

En 2022, après que la guerre a été déclarée, les progrès ne semblent pas avoir encore été très marqués, selon cet article du Temps, quotidien suisse :

https://www.letemps.ch/economie/lukraine-continuum-corruption-sovietique

L’Ukraine dans le continuum de la corruption soviétique

D’un petit bakchich pour obtenir un service de l’Etat, un passeport par exemple, au gros pot-de-vin pour décrocher un juteux contrat, l’Ukraine traîne en queue du classement mondial de la corruption de Transparency International. Ce fléau est à l’agenda de l’Ukraine Recovery Conference qu’accueille la Suisse les 4 et 5 juillet à Lugano.

Il faut dire que la corruption fait tâche quand les pays qui soutiennent font pleuvoir l’argent :

Au début de mai, l’Union européenne promettait 9,6 milliards de dollars. Une somme qui s’ajoute aux 40 milliards votés par le Congrès américain à la mi-mai. Même si des bombes tombent encore, l’après-guerre se prépare déjà.

En janvier 2024, Euronews raconte le détournement de 40 millions de dollars sur des achats d’armes pour l’Ukraine.

https://fr.euronews.com/2024/01/28/ukraine-40-millions-de-dollars-destines-a-acheter-des-armes-detournes

Zelensky est arrivé au pouvoir en 2019, sur la lutte anticorruption, porté par une série télévisée dans laquelle il incarnait un serviteur du peuple au pouvoir. Quand la fiction permet de changer la réalité ! Mais son nom figurait parmi ceux des dirigeants épinglés par les Pandora Papers :

https://www.les-crises.fr/ukraine-politique-corruption-la-crise-continue/

Le nom de Zelensky figurait sur une liste récente des Pandora Papers du Consortium international des journalistes d’investigation.

Selon les conclusions de l’ICIJ publiées dans The Guardian, Zelensky possédait une participation dans une société aux îles Vierges britanniques décrite comme détenant des parts dans des sociétés de production et de distribution de films. Un mois avant son élection au poste de président, Zelensky a transféré ses parts à Serhiy Shefir, un ami et partenaire commercial, a rapporté l’ICIJ.

L’Humanité s’en fait l’écho en 2021 :

https://www.humanite.fr/monde/ukraine/ukraine-volodymyr-zelensky-piege-par-les-pandora-papers

Cette affaire est éclairante sur le cercle proche de Volodymyr Zelensky, issue de sa société de production Kvartal 95 qui se trouve au cœur du scandale. Elle est derrière un vaste réseau tentaculaire d’entreprises enregistrées à l’étranger pour cacher leur activité et détenues en copropriété par son groupe d’amis. Tous sont issus soit de la ville natale de Zelensky, Kryvyï Rih, dans le sud, ou de sa société de production. « Il s’agit de Serhiy Shefir, qui a produit les émissions à succès de Zelensky, et le frère aîné de Shefir, Borys, qui a écrit les scripts. Un autre membre du consortium est Ivan Bakanov, un ami d’enfance. Bakanov était directeur général du studio de production et le réalisateur, producteur et copropriétaire de Kvartal 95, Andriy Yakovlev », raconte Slidstvo.info.

Ce partenariat autour de la société de production apparaît quand Volodymyr Zelensky est acteur, humoriste et comédien et pas encore dirigeant. Il s’est servi d’une de ses séries les plus populaires, Serviteur du peuple, où il tenait le rôle d’un enseignant indigné par la corruption de son pays qui devient président. En 2019, Zelensky reprend le nom de la série pour en faire une formation politique et se faire élire avec 73 % des voix sur un programme sans concession : la lutte contre les inégalités, mettre fin au système oligarchique et à la corruption.

En 2020, Rafio France international est très sceptique sur son action en la matière.

https://www.rfi.fr/fr/europe/20200830-ukraine-zelensky-porte-coup-fatal-lutte-anticorruption-son-pays

Ukraine: Zelensky porte un coup fatal à la lutte anti-corruption dans son pays

La lutte contre la corruption est-elle en train d'être effacée de l'agenda politique en Ukraine ? C'est en tout cas la question qui se pose après que ce week-end le président Volodymyr Zelensky ait endossé une décision du Conseil constitutionnel qui déclare invalide la direction du Bureau national anti-corruption, le Nabu, la principale institution du pays dans ce domaine.

Ces derniers temps, le Nabu a particulièrement enquêté sur la corruption et le blanchiment qui concernent les affaires de l'oligarque pro-russe Rinat Akhmetov, ainsi que celles du milliardaire Ihor Kolomoisky, celui-là même qui a propulsé la carrière de Volodymyr Zelensky.

Depuis plusieurs mois, des proches de ces oligarques demandaient au président la peau du directeur du Nabu. En la leur donnant via une décision juridique contestable, Volodymyr Zelensky, le « serviteur du peuple », vient sans doute, de porter un coup fatal à la justice anti-corruption dans son pays.

Transparency international donne quelques détails intéressants :

https://www.transparency.org/en/press/ukraine-must-immediately-restore-corruption-prevention-system

Transparency International estime que la décision du CCU rend l’ensemble du système de déclarations électroniques inutile, sape le système de prévention de la corruption et fait reculer les réformes anti-corruption de l’Ukraine de plusieurs décennies. Au 27 octobre, le Bureau national anti-corruption d'Ukraine (NABU) travaillait sur 110 procédures pénales concernant 180 cas de fausses déclarations de patrimoine intentionnelles. Trente-quatre de ces dossiers ont été transmis à la Haute Cour Anti-Corruption (HACC). Suite à la décision de la Cour constitutionnelle, toutes ces affaires seront classées et aucun auteur ne sera puni.

Mais la guerre éclate en février 2022. Zelensky peut alors enfiler son habit vert militaire, qui n’est plus celui de la guerre contre la corruption, mais de la guerre tout court. De quoi s’habiller de « probité candide et de lin blanc » !

2. Ukraine et extrême-droite

En 2015, un an après la révolution du Maïdan, le titre québécois La Presse s’interroge : « Aider les néo nazis ? »

https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/lysiane-gagnon/201505/01/01-4866065-aider-les-neonazis.php

Après avoir fourni au gouvernement ukrainien une aide de 570 millions pigés dans la caisse que garnissent à la sueur de leur front les contribuables canadiens, le gouvernement enverra cet été 200 soldats canadiens pour conseiller les troupes ukrainiennes dans leur combat contre les séparatistes de l'est du pays (lesquels sont appuyés par la Russie).

Petit problème, le Canada risque de contribuer ainsi à la formation des militants néonazis qui pullulent en Ukraine. Plusieurs milices d'extrême droite ont été intégrées à l'armée régulière - une armée qui était au départ une mauvaise blague, composée en partie de recrues sans formation... et dont on peut supposer que les éléments les plus disciplinés seront justement les anciens miliciens qui, eux, ont déjà bénéficié d'un entraînement paramilitaire.

Où l’on apprend au passage que les Canadiens ont dès 2015 mis le doigt dans des opérations militaires en Ukraine. Tiens, tiens… Poutine en aurait-il eu vent ? S’en serait-il inquiété ? Passons…

Voici un article de 2016, du Monde diplomatique qui détaille le passé nazi très présent dans la vie politique ukrainienne.

https://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/GESLIN/56918

Ukraine, jeux de miroirs pour héros troubles

Durant la seconde guerre mondiale, entre quarante mille et cent mille Polonais ont péri dans cette région aujourd’hui située dans le nord-ouest de l’Ukraine, « brutalement assassinés par des nationalistes ukrainiens », selon l’Assemblée polonaise. Les responsables de ces massacres n’étaient autres que les combattants de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), fondée par Stepan Bandera. L’UPA est aujourd’hui célébrée en Ukraine pour son combat en faveur de l’indépendance nationale. Elle s’était néanmoins rendue coupable de massacres de Juifs et de Polonais et s’était engagée un temps dans la collaboration avec l’Allemagne nazie.

Malgré des intérêts stratégiques convergents entre Kiev et Varsovie face au puissant voisin russe, la concordance de ces votes marque la « fin de la lune de miel ukraino-polonaise », selon l’historien Vasyl Rasevitch, enseignant à l’Université catholique de Lviv (ouest de l’Ukraine).

Le Monde en 2016 également décrit cette idéologie qui perfuse dans la société

https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/08/19/au-camp-d-entrainement-des-petits-soldats-d-ukraine_4984763_4497186.html

Reportage - Après l’annexion de la Crimée par les Russes, un camp de vacances très spécial dirigé par une unité paramilitaire ultranationaliste inculque la guerre et le patriotisme aux enfants.

Ada ne dit pas un mot. Elle se poste devant le fusil d’assaut, posé devant elle sur une table en bois. Sa mission ? Le démonter et le remonter le plus rapidement possible. Très concentrée, elle commence par ôter le chargeur, puis tire la culasse. Avec ses petits doigts, elle enlève ensuite le capot, le ressort récupérateur, libère le percuteur…

En 2016 toujours, dans l’Ukraine post-Maïdan, Paul Moreira, reporter, a tourné un reportage diffusé sur Canal + :

https://www.programme.tv/news/actu/152337-un-document-terrible-sur-l-ukraine-a-ne-pas-manquer-ce-soir-sur-canal/

"Comme tout le monde, j'avais vu les images du soulèvement, place Maïdan à Kiev. La “révolution de la dignité". Pour sa liberté, contre l'autoritarisme, une foule se levait, réprimée sévèrement par la police anti-émeute (une centaine de morts selon l'opposition, ndlr). Mais avec, à la clef, la destitution de Ianoukovitch, réfugié en Russie... Pourtant, j'ai été gêné, alerté par un détail. Des drapeaux dans cette foule, aux avant-postes. Des sigles aussi, rappelant les insignes nazis..."

Paul Moreira vérifie, creuse et découvre l'impensable : cette vague citoyenne a été aiguillée, manipulée par des milices néo-fascistes. Secteur Droit, la Brigade Azov, Svoboda... autant de groupes ultra-nationalistes, admirateurs de Mussolini, qui ne s'embarrassent pas de principes démocratiques. Intimidations, brutalités. Et le tout filmé et diffusé pour faire peur à qui s'opposerait. Le journaliste va aller à leur rencontre. "Ce n'est jamais confortable de se trouver au milieu de fanatiques armés. Surtout que je les confrontait à leurs actes et leur propos racistes", poursuit le grand reporter.

Moreira revient sur ce qui s’est passé dans le Port d'Odessa, le 2 mai 2014. Quarante-cinq personnes pro-russes réfugiées à la Maison des Syndicats sont lynchées, brûlées vives. Paul Moreira montre ces images insoutenables, filmées par les assaillants eux-mêmes.

"Tout le monde est passé à côté. Les images existaient sur Youtube, mais personne ou presque, aucun média ne les avait dévoilées. Cette omission a d'ailleurs participé à ce mythe de la révolution en douceur. Je pense que ça tient au fait que ce mouvement anti-russe était encouragé par Washington, qui voyait là, par ce renversement, une façon de diminuer la zone d'influence de Poutine. L'occident a donc préféré se taire, rester dans le déni.

Cela continue en 2019… https://fr.timesofisrael.com/israel-et-la-pologne-denoncent-un-monument-ukrainien-dedie-a-un-collabo-nazi/

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Des nationalistes ukrainiens marchent à Lviv pour honorer Roman Shukhevych, en mars 2017. (Crédit : capture écran / YouTube)

Les ambassadeurs israéliens et polonais ont adressé une lettre conjointe au maire de la ville ukrainienne d’Ivano-Frankisvsk pour contester l’inauguration d’un monument honorant Roman Shukhevych, un collaborateur du régime nazi impliqué dans le meurtre d’innombrables Juifs et chrétiens polonais.

La Pologne et Israël dénoncent rarement publiquement la glorification rampante des collaborateurs des nazis en Ukraine, un pays souvent considéré en Occident comme un barrage clé à l’expansionnisme russe.

Et en 2022, après six mois de guerre, Arno Klarsfeld revient sur ce sujet, un peu gênant.

https://www.lepoint.fr/debats/arno-klarsfeld-l-ukraine-ne-doit-plus-encenser-les-nationalistes-qui-ont-collabore-11-09-2022-2489518_2.php

Publié le 11/09/2022 à 14h00, mis à jour le 12/09/2022 à 11h03

Arno Klarsfeld : « L’Ukraine ne doit plus glorifier les nationalistes qui ont collaboré »

TRIBUNE. Pour l’avocat, l'honneur fait à certains nationalistes ukrainiens, complices des nazis, doit cesser, alors que l’Ukraine souhaite intégrer l’Union européenne.

Si les Ukrainiens veulent faire partie de la famille de l'Union européenne, ils doivent cesser de glorifier les nationalistes ukrainiens présentés comme des héros, et qui ont collaboré avec les nazis et les ont assistés dans l'extermination de dizaines de milliers de familles juives en Ukraine. Une des premières mesures de la municipalité de Kiev après la révolution de 2014 a été de débaptiser la longue avenue qui mène au site de Babi Yar, et qui portait le nom d'avenue de Moscou, pour l'appeler avenue Bandera, dont les fidèles ont assisté les nazis dans l'extermination de plus de 30 000 juifs, hommes, femmes et enfants dans le ravin de Babi Yar, les 29 et 30 septembre 1941, lorsque les troupes allemandes accompagnées des Einsatzgruppen sont entrées à Kiev.

À Lviv, il y a encore deux ans, des centaines d'hommes ont défilé en uniforme SS de collaborateurs ukrainiens lors d'un événement approuvé par la ville. Ces dernières années, au moins trois municipalités ukrainiennes ont dévoilé des statues pour l'adjoint de Bandera, Yaroslav Stetsko, qui, pendant la Shoah, approuvait « l'extermination des Juifs ». La devise des nationalistes ukrainiens collaborateurs de nazis de Bandera affichée dans les rues de Kiev en 1941 était : « Tes ennemis sont la Russie, la Pologne et les Youpins. »

L’Ukraine défenseur des valeurs de l’Europe ? Il faudrait au moins avoir un droit d’inventaire sur lesdites valeurs, non ? J’ai du mal à m’y retrouver personnellement.

3. Ukraine et intérêts américains

Le changement de pouvoir en 2014 a été l’occasion d’ouvrir le marché ukrainien aux capitaux occidentaux, particulièrement américains.

Dès 2015, une analyse est faite par Frederic Mousseau, Directeur des Politiques à l’Institut d’Oakland et co-auteur du rapport : "Walking on the West Side : the World Bank and the IMF in the Ukraine Conflict." ("Marcher à l’Ouest : la Banque Mondiale et le FMI dans le conflit Ukrainien") qui documente la mainmise de la Banque mondiale sur l’Ukraine.

https://www.ritimo.org/La-main-mise-des-multinationales-sur-l-agriculture-ukrainienne

Extraits

Le fait que les gouvernements occidentaux s’impliquent davantage dans le conflit ukrainien prouve qu’ils ont confiance dans le cabinet ministériel nommé par le nouveau gouvernement en décembre 2014. Ce nouveau gouvernement est unique : trois des ministères les plus importants sont attribués à des personnes nées à l’étranger, à qui la citoyenneté ukrainienne a été accordée quelques heures seulement avant leur nomination.

Le Ministère des Finances est attribué à Natalie Jaresko, femme d’affaire née et éduquée aux États-Unis et qui travaille depuis le milieu des années 90 en Ukraine, où elle supervisait un fonds de placements privés créé par le gouvernent américain pour investir dans le pays. Madame Jaresko est aussi la PDG de Horizon Capital, société de placements qui gère un certain nombre d’investissements occidentaux en Ukraine.

Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, cette nomination s’apparente plutôt à une mainmise occidentale sur l’économie ukrainienne. L’Institut d’Oakland détaille cette prise de contrôle, en particulier dans le secteur agricole dans deux rapports : The Corporate Takeover of Ukrainian Agriculture et Walking on the West Side : The World Bank and the IMF in the Ukraine Conflict.

Viktor Yanukovich refusait de signer un Accord d’association avec l’Union européenne (UE), qui visait à développer le commerce et à intégrer l’UE – en sus de cet accord le Fonds monétaire international (FMI) accordait à l’Ukraine un prêt de 17 milliards de dollars. Après le départ du président et l’installation du nouveau gouvernement pro-occidental, le FMI a lancé un programme de réformes, conditionnant ce prêt, afin d’augmenter l’investissement privé en Ukraine.

L’ensemble des mesures comprend une réforme des services publics de gestion de l’eau et de l’énergie. Le secteur agricole ukrainien a été la première cible des investissements étrangers privés. La feuille de route fournie à l’Ukraine pour la réforme facilite l’acquisition de terres agricoles, allège la réglementation et les contrôles des usines agro-alimentaires, et réduit les impôts des entreprises ainsi que les droits de douane.

La présence de sociétés étrangères dans l’agriculture ukrainienne croît rapidement, avec plus de 1,6 millions d’hectares d’exploitations agricoles passés récemment aux mains de sociétés étrangères. Monsanto, Cargill et DuPont. Par exemple, Cargill possède maintenant au moins quatre silos à grains et deux usines de transformation de graines de tournesol utilisées pour la production de l’huile. En décembre 2013, la compagnie a acquis "25% + 1part" dans un terminal céréalier d’une capacité de 3,5 millions de tonnes par an, situé à Novorossisk, port de la mer Noire. Tous les aspects de la chaîne d’approvisionnement agricole –depuis la production des graines et autres intrants jusqu’à l’expédition proprement dite des marchandises hors du pays –sont donc de plus en plus contrôlés par des sociétés occidentales.

Une loi créant un marché des terres est entrée en application le 1er juillet 2021.

La loi « modifiant certaines lois concernant les conditions de renouvellement des terres agricoles » (loi 552-IX), était un élément clé du plan de libéralisation défendu par le président Volodymyr Zelensky et les institutions internationales occidentales qui soutiennent son gouvernement. Elle était aussi la condition d’obtention d’un prêt de 5 milliards de dollars accordé par le Fonds monétaire international (FMI).

Deux ans après, en 2023, un rapport du Oakland institute fait l’état du contrôle des terres en Ukraine https://www.oaklandinstitute.org/sites/oaklandinstitute.org/files/guerre-et-spoliation.pdf

Une image contenant texte, Police, nombre, reçu

Description générée automatiquement

Les intérêts américains sont particulièrement bien représentés dans ce secteur.

Pour rappel, le secteur agricole n’est pas le seul concerné. Le Matin, grand titre suisse, rappelle qu'Hunter, le fils de Joe Biden avait été nommé, sans rien y connaître au conseil d’administration de Burisma, une compagnie ukrainienne… de gaz !

https://www.lematin.ch/story/affaire-ukrainienne-laveu-du-fils-de-joe-biden-865409054252

Conclusion :

L’Ukraine n’est ni le pire, ni le meilleur pays du monde. La peindre en blanc ou en noir, c’est souffrir d’un défaut de perception commun chez nos politiciens proches du pouvoir et chez les spécialistes de plateau qui font l’opinion. Certes le portrait de cet article de blog est noir... mais il est assez de portraits en blanc faits dans les médias pour que le mélange ne produise le gris recherché. Ce serait déjà ça !

Oubliée la corruption que connait le pays, oublié le fait que le pouvoir ukrainien s’accommode fort bien de partis ouvertement néonazis, oublié le fait que les soldats européens risquent fort de se battre pour les accapareurs américains et les fonds de pension apatrides des terres ukrainiennes.

On a la mémoire courte quand on veut entrainer son pays dans la guerre. Il faut encore une fois lire ou relire Orwell, décidément !

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