Mais ce qui était vrai en août ne l’est plus en novembre. Et pourtant, le site n’a pas été actualisé. En effet, les chiffres qui piquent ne sont plus les mêmes. La situation a changé depuis. J’exploite les mêmes « chiffres qui piquent » de la Drees.
https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/covid-19-resultats-regionaux-issus-des-appariements-entre-si-vic-si-dep-et-vac-s/information/
Ces chiffres ne disent pas que le vaccin ne sert à rien. Il y a en proportion moins de personnes vaccinées qui vont à l’hôpital que de non-vaccinés… encore que pour apprécier réellement la réalité du gain, il faudrait aussi voir la composition par âge des deux populations. Aucun des 12-18 ans vaccinés massivement par exemple ne risquait d’aller à l’hôpital. Mais admettons le gain, la protection.
Il y a en revanche plusieurs discours que ces chiffres devraient empêcher :
- « Le vaccin protège des formes graves » : oui, mais seulement dans une certaine mesure… alors que cette assertion sonne comme un slogan irréfutable.
- « La cinquième vague est une vague de non-vaccinés » : faux.
- « Si l’on veut mettre fin à l’épidémie, il faut aller chercher les 6,5 millions de Français éligibles non vaccinés. Et rendre le vaccin obligatoire » : faux encore.
Alors que fait-on quand les chiffres ne piquent plus dans le bon sens ? On les maquille, on les rend présentables : c’est ce que fait la célèbre Karine Lacombe le 30 Novembre devsant le Sénat , en audition lors d’une commission, et que rapporte un article de Fact-check de Libération
https://www.liberation.fr/checknews/covid-19-est-il-vrai-que-80-des-hospitalisations-concernent-des-non-vaccines-comme-le-dit-karine-lacombe-20211203_QPLLDHSJOFFH7GXEIPP6BYGMP4/Question posée par Damien le 1er décembre
Vous nous interrogez, via Twitter, sur une déclaration faite mardi devant le Sénat par Karine Lacombe, infectiologue à l’hôpital Saint-Antoine à Paris. «Depuis que l’on a accès à la vaccination, le profil [des personnes hospitalisées, ndlr] a profondément changé, explique-t-elle. 80 % des personnes qui arrivent à l’hôpital avec une Covid-19 ne sont pas vaccinées, et ce sont celles majoritairement qui passent en réanimation et qui décèdent. Les 20 % de patients qui sont vaccinés et qui arrivent malgré tout à l’hôpital sont des personnes qui ont des facteurs de risque, en particulier d’autres comorbidités, et surtout qui ont une deuxième dose qui est assez éloignée, en général 5/6 mois, voire plus, de leur nouvelle infection. Donc on voit bien que la vaccination, dans le contexte du Delta, a vraiment bien marché, et d’ailleurs, c’est ce qui a permis […] que nous ne sommes pas submergés.»
Le rapprochement de la déclaration de K. Lacombe et des chiffres de la Drees dans le tableau ci-dessus montre qu’elle ne dit pas le réel. Ment-elle sciemment au Sénat ? Se trompe-t-elle ? Quand on est entendu en tant qu’expert, les deux sont graves. Les politiques forgent leur opinion sur la base de pareils discours.
Il est clair qu’elle parlait bien des personnes qui arrivaient à l’hôpital, donc 8 entrants sur 10. Les mots ont un sens.
Interrogée, elle pense s’en tirer par une pirouette en parlant de nombre de cas par rapport à la population de non-vaccinés.
Sollicitée par CheckNews sur les premiers chiffres, contradictoires avec ceux qu’elle a cités devant le Sénat, Karine Lacombe répond qu’elle «ne parlai[t] pas en valeur absolue, ce qui n’a aucun sens quand on parle de l’impact d’une intervention, mais en pourcentage de vaccinés versus non vaccinés». Avant d’ajouter : «C’est tout le problème des chiffres bruts de la Drees qui induisent en erreur quand on n’interprète pas ces chiffres à l’aune de l’extension de la vaccination.»
Karine Lacombe dit dont en substance : « les chiffres bruts de la Drees vous mentent, c’est moi qui rétablis la vérité alors que je raconte n’importe quoi ».
Cet épisode est révélateur du fait que la crise Covid n’est pas qu’une crise sanitaire. C’est une crise du sens. Il y a la réalité objective de la maladie et il y a les discours sur la maladie. Discours qui interprètent le réel et qui se superposent à lui pour finir par s’y substituer.
2. A quoi ressemble vraiment la « cinquième vague »?
Voici quelques tableaux du Monde du 4 décembre 2021, en pleine « cinquième vague » :
On voit bien une vraie vague d’incidence, c’est-à-dire de tests PCR positifs, ce qui ne signifie pas symptômes, ni maladie. Dommage qu’en mars 2020, on n’ait pas testé, car il manque le début des courbes… Mais à l’époque, souvenez-vous, on … n’avait pas de tests… ni de masques !
Si on regarde les décès, c’est moins affolant. Au moins dix fois moins qu’en mars 2020, et comme il y a eu des pics à 1400 morts, les 91 maxi sont vraiment ridicules. 16 à 17 fois moins. Par rapport à l’an passé même époque, idem.
Dans les hôpitaux, on est loin des vagues précédentes aussi. Vaguelette.
Arrivant à la question des nombres de vaccinés / non vaccinés à l’hôpital, Le Monde choisit aussi de ne pas parler en valeur absolue, mais en pourcentages de cas par rapport aux deux populations. Cela permet de masquer le fait qu’il y a plus de vaccinés que de non vaccinés. Brouillage façon Karine Lacombe…
La suite de la vision de l’épidémie est sur Covid Tracker, site quasi officiel, avec une donnée intéressante, sur l’activité médicale :
Très faible volume des passages aux urgences dus au Covid. Loin des fantasmes de couloirs surchargés de brancard, moins de 2 % des passages.
Les dernières données viennent de Santé Publique France :
On est au 5e de ce qui a pu être et qui oui, a été difficile, mais dont on est sortis.
Et avec 92% des adultes vaccinables vaccinés, si on devait arriver aux mêmes engorgements, il y aurait des remises en cause à faire sur la stratégie vaccinale.
https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde
Et les décès par semaine sont dans des proportions dix fois moindres qu’en avril dernier, et considérablement moins qu’il y a un an.
Conclusion :
Les chiffres ne mentent pas. Il faudrait savoir de quoi l’on parle quand on parle de vague. Peut-on appliquer le même mot à des situations où il y a beaucoup de malades vs beaucoup de cas positifs, beaucoup de décès/peu de décès ? Si l’on fait cela, est-ce qu’on permet aux gens de comprendre ce qu’ils vivent ? ou les met-on dans une situation d’incompréhension, voire de panique ?
La situation actuelle, qui est incontestablement moins grave qu’il y a un an, avec des réalités épidémiques qui ont pu être des vagues mais qui ne devraient plus être appelées ainsi, justifie-t-elle que l’on :
- Continue le passe sanitaire qui n’empêche pas les vaccinés de continuer à transmettre sans contrôle ?
- Accentue encore et toujours les discriminations envers des citoyens qui ne sont coupables de rien ?
- Aille vers une vaccination obligatoire (et je ne parle pas ici des limites d’efficacité dans le temps et dans les effets des vaccins, ni du fait que le vaccin n’a eu une autorisation conditionnelle que pour deux doses) ?
- Envisage de vacciner tous les enfants ?
La crise Covid n’est pas qu’une crise sanitaire, c’est une crise du sens. Les gens sont perdus dans des discours contradictoires, victimes de mots dont le sens est rendu volontairement flou (vague), et il faudrait faire un travail sur les mises en discours du Covid. Vaste chantier, mon général. Je vais essayer de m’y atteler…