Macron parle de monter le budget de la défense à 5% et invite les autres partenaire européen à en faire autant : c'est ni plus ni moins que le doublement du budget actuel et même un peu plus, dans un contexte économique totalement sinistré. On voit mal comment pareille chose serait possible : et surtout, tout ceci témoigne d'une absence à peu près totale de lecture politique de ce qui se passe actuellement de la part des gouvernants européens.
Les gouvernants et les médias français, poulets sans tête, crient à la trahison américaine, disent que Trump est sous influence poutinienne, agitent le discours de la peur en disant que Poutine, une fois son compte réglé à l'Ukraine, attaquera le reste de l'Europe, sans tenir compte du réel : trois ans de guerre pour ne même pas conquérir une partie de ce petit pays qui lui est frontalier ; alors que sera-ce si la Russie doit un jour projeter des armées loin de ses bases, en Allemagne, en France ? Faire la guerre loin de ses bases, c’est une autre histoire ! Napoléon vous le dirait. On nage en plein délire tactique, et on nage en plein n’importe quoi diplomatique : la doctrine russe en matière de politique étrangère n’a jamais été expansionniste hors de son pré carré et rien n’a changé à cela ces dernières années. Je vous laisse lire ou relire l’article que j’ai consacré à ce sujet il y a quelques mois.
https://informations-covid.e-monsite.com/blog/le-monde-vu-depuis-l-il-de-moscou.html
Il est toujours d’actualité. Alors pourquoi nos dirigeants européens tiennent-ils ce genre de discours ? J’y reviendrai dans un futur article. Mais avant, essayons de lire sur les 25 dernières années la politique américaine.
Que faut-il comprendre à ce revirement américain ? Comment et pourquoi les cartes sont-elles soudainement rebattues ? Qu’y comprendre ?
Pour y voir un peu clair, il faut d’abord arrêter d’être myope et remonter à la fin des années 90, un retour dans le temps ; puis voir au-delà de l’Ukraine, car c’est ailleurs que se situent les véritables enjeux, pas dans une Europe qui est devenue la variable négligeable de la politique internationale. La variable d’ajustement. Aux yeux des Américains d'abord. L’Europe, c’est le champ de bataille, le damier sur lequel les USA poussent des pions. Ceci reste à démontrer ? On y va.
1. Pour les USA, un premier objectif : empêcher l’alliance entre UE et Russie
Les Etats-Unis sont une puissance impériale, ils ne sont pas les seuls me direz-vous et c’est juste. Mais sur leur empire, comme disait Charles Quint, le soleil ne se couche jamais. Présents partout. Leur peur de toujours est de voir se lever contre eux un nouvel empire une puissance concurrente. C’est bien le risque qu’ils voient à la fin des années 1990. Le communisme n’est plus, et pour cette raison pointe une nouvelle menace, celle de la maison commune Europe-Russie comme disait Chirac, de l’Atlantique au Pacifique, un vrai géant potentiel. Pas besoin d’intégration politique pour cela, juste un solide partenariat économique comme il s’en est dessiné un pendant la première décennie du 21e siècle. Où il est question d’énergie et de partenariat commercial. On y revient un peu car la plupart des gens ne savent pas, ont oublié !
La géostratégie russe à l’égard de l’Europe et la politique européenne du début des années 2000 ne peuvent s'appréhender sans tenir compte de l'importance grandissante du secteur énergétique (gaz et pétrole) sur le plan économique depuis 2001, période où débute une nouvelle hausse des prix des hydrocarbures dans le monde. En effet, la Russie est le premier producteur mondial (environ 600 milliards de m3) et le premier exportateur mondial (environ 200 milliards de m3) de gaz et le 2e producteur mondial et exportateur majeur du pétrole. Ses réserves gazières s'élèvent à plus de 23 % des réserves mondiales.
Compte tenu de sa situation géographique, la Russie est le premier fournisseur potentiel de l'Union européenne (UE). Le partenaire naturel !
Berlin et Moscou dépendent l'un de l'autre dans ce domaine : alors que l'Allemagne est intéressée par les énormes ressources énergétiques russes, la Russie a besoin des investissements allemands dans ses infrastructures pétrolières et gazières. L'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, artisan d'un rapprochement entre Berlin et Moscou, a œuvré activement en faveur du projet de gazoduc Nord Stream.
Voici une lecture de cette situation, extraite d’un rapport du Sénat français de 2008 :
Entre l'Union européenne et la Russie, il existe, en effet, une réelle interdépendance. La Russie représente pour l'Union européenne son plus grand voisin, son troisième partenaire commercial et son premier fournisseur d'hydrocarbures. De son côté, l'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Russie et son principal débouché. Une coopération étroite est donc une nécessité, notamment sur le plan énergétique.
La première étape de cette politique a été un accord de partenariat et de coopération, signé en 1994 et entré en vigueur en 1997, pour une période initiale de dix ans. Cet accord instituait un cadre pour le dialogue politique et visait à renforcer les relations entre l'Union européenne et son plus grand voisin, dans une série de domaines, en particulier économique.
Deuxième étape : le Sommet de Saint-Pétersbourg, fin mai 2003, quand l'Union européenne et la Russie décident de renforcer leur coopération sur la base de quatre volets, baptisés « espaces communs », concernant les aspects économiques et commerciaux, les aspects « justice et affaires intérieures », les questions de sécurité internationale et les questions éducatives et culturelles.
En 2008, le Sénat français voit avec confiance le partenariat avec la Russie (le gras est le fait du rapport).
Il convient toutefois de rappeler que, même au plus fort de la guerre froide, Moscou n'a jamais manqué à ses engagements contractuels vis-à-vis de ses partenaires européens et que la dépendance est réciproque, puisque près de 75 % du pétrole et 80 % du gaz russes partent vers l'Union européenne.
L'ensemble des experts s'accorde donc à rejeter l'hypothèse d'un chantage énergétique de la part de la Russie vis-à-vis de l'Union européenne.
On est dans une coopération gagnant-gagnant, à même d’écarter toute idée de conflit entre des partenaires étroitement liés. On ne fait pas la guerre à celui avec qui on commerce.
La fin du rapport émet le vœu de poursuivre le cadre de coopération avec la Russie (le gras est le fait du rapport) :
Pour les membres de la délégation, l’établissement d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie répond aux intérêts des deux partenaires et serait de nature à rapprocher la Russie de l'occident.
L’intégration croissante de la Russie et de l’Europe était une perspective importante pour les pays de l’UE, la France en tête. La question énergétique était et est toujours au cœur. On pouvait aller vers une belle coopération Russie-Europe, à même d'assurer durablement la paix sur le continent et la proséprité. C'était sans compter sur la politique des Etats-Unis, derrière le masque de l'OTAN.
2. Le tournant des années 1995-2005 : l’occasion perdue ? Ou volontairement avortée ?
La politique d’expansion de l’OTAN – des USA – a réussi à éloigner progressivement la Russie de son étranger éloigné le plus proche. La crise ukrainienne de 2014 a été le virage final. La destruction de Nordstream en 2023 l’a réellement concrétisé. Ceux qui l’ont détruit ont atteint le nerf de la coopération Russie-Europe.
Je ne reprends pas toutes les analyses faites ici en février 2024 de la politique étrangère américaine. Je renvoie à un autre article pour les plus curieux, à lire après peut-être… https://informations-covid.e-monsite.com/blog/le-monde-vu-depuis-l-il-de-moscou.html
Reprise ici de quelques éléments sur la politique de l'OTAN, essentiels à la compréhension de ce que nous vivons.
Fin 1991, effondrement et dislocation de l’URSS. Les anciens pays dits « de l’Est » sont des pays neutres, zone tampon entre l’OTAN et la Russie. Avec la Suède et la Finlande.
La fin de l’URSS n’entraine pourtant pas la dissolution de l’OTAN. De nouveaux objectifs lui sont alors assignés : maintien de la paix dans les Balkans, guerre contre le terrorisme, cybersécurité, etc. L'Alliance survit au dépot des armes de son ennemi.
1994, Mémorandum de Budapest (Traité de non-prolifération des armes nucléaires avec l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan) avec les USA, la Russie et l’Europe. Le secrétaire d’État James Baker déclare : “Il est important, non seulement pour l’Union Soviétique mais aussi pour les autres pays européens, d’avoir des garanties comme quoi, si les États-Unis gardent une présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, la juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce en direction de l’Est.”.
12 janvier 1994 : Clinton déclare que l’Alliance acceptera de nouveaux membres. C’est le début de la reprise américaine de la stratégie de la tension. Fin du bref intermède de paix en Europe.
10 mai 1995 : Eltsine obtient de Clinton de suspendre l’élargissement de l’OTAN.
8 juillet 1997 : La Hongrie, la Pologne et la Tchéquie sont officiellement invitées à adhérer à l'OTAN.
1999-2004, profitant de la faiblesse de la nouvelle Russie, les USA poursuivent leur stratégie expansionniste. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie sont admis dans l’OTAN.
2003 – 2005, “Révolutions de couleur” dans trois républiques de l’ex-URSS : Géorgie, Ukraine, et Kirghizstan. Pilotées et financées par la CIA au travers de Fondations américaines (NED, Freedom House, CANVAS, Soros, etc…) et d’organisations subversives locales. Cela a été abondamment documenté.
L’éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, rapporte les propos de l’un des plus grands analystes de la Russie, George Kennan, architecte de la victorieuse politique de containment de l’URSS durant la guerre froide :
Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes vont progressivement réagir de manière assez négative et que cela affectera leurs politiques. Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison pour cela. Personne ne menaçait personne d’autre. [L’expansion de l’OTAN] n’a été qu’une action légère de la part d’un Sénat qui ne s’intéresse pas vraiment aux affaires étrangères. Ce qui me dérange, c’est la superficialité et le manque d’information de l’ensemble du débat sénatorial. J’ai été particulièrement gêné par les références à la Russie en tant que pays mourant d’envie d’attaquer l’Europe occidentale. Les gens ne comprennent-ils pas ? Nos différences dans la guerre froide étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons le dos à ceux-là mêmes qui ont organisé la plus grande révolution sans effusion de sang de l’histoire pour renverser ce régime soviétique. (…) Bien sûr, il y aura une mauvaise réaction de la part de la Russie, et alors [les partisans de l’élargissement de l’OTAN] diront que nous vous avons toujours dit que les Russes étaient comme ça…
Prophétiques propos, tenus en 1998, suite à l’adoption par le Sénat américain de la décision d’étendre l’OTAN, une année avant l’arrivée de Poutine au pouvoir…
2005. C’est l’époque de la main tendue de Chirac et Schroeder envers la Russie.
https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2005/03/17/paris-et-berlin-privilegient-la-concertation-avec-moscou_401885_3208.html
« La France n'en maintient pas moins le cap de sa "politique de la main tendue", en voulant croire que Vladimir Poutine n'a pas définitivement renoncé aux réformes. Cette politique, qui est aussi celle de Berlin, ne fait pas que des adeptes ces temps-ci en Europe, notamment dans les pays baltes et en Pologne.
Dans l'entourage de Jacques Chirac, on fait valoir que l'établissement de liens aussi denses que possible, dans tous les domaines, avec une Russie stable et démocratique reste un "objectif stratégique prioritaire pour l'Union européenne". L'élargissement vers l'Est de l'Union et de l'OTAN suscite à Moscou des inquiétudes et des "crispations" qu'il faut, estime-t-on à Paris, apaiser plutôt qu'attiser. L'invitation du nouveau président ukrainien Viktor Iouchtchenko par l'OTAN à Bruxelles en février est ainsi tenue pour une erreur, de même que toute admonestation publique faite à M. Poutine. »
On voit qu’il y a vraiment possibilité de rapprochement entre Paris, Berlin et Moscou et que dans le même temps, les USA commencent à manœuvrer pour isoler Poutine en essayant de faire basculer l’Ukraine dans l’OTAN. On voit déjà les inquiétudes des Russes face à l’expansion de l’OTAN.
En 2006, Chirac propose un plan de protection croisée de l’Ukraine par l’OTAN et la Russie, voir à ce propos l’interview de l'ex-ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne.
https://www.youtube.com/watch?v=ch8GD7DzEpU
2007. 43e édition de la conférence de Munich sur la sécurité. Poutine est on ne peut plus clair :
J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible…. Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé.
On voit Poutine prévenir, tracer des lignes rouges. Mais l’OTAN continue.
2008, Avril. Sommet de l’OTAN à Bucarest. « L’Alliance atlantique s’est engagée à Bucarest à admettre Kiev et Tbilissi dans ses rangs… La Géorgie salue une décision “historique”, Moscou dénonce “une erreur stratégique” ».
2008, Août. La Géorgie attaque l’Ossétie du Sud. La Russie intervient militairement pour soutenir la volonté de ses habitants et ceux de l’Abkhazie, russophones, de s’émanciper de la tutelle géorgienne.
Cette réaction militaire d’une Russie qui sort du marasme des années 90 n’a pas été prise au sérieux.
Zbigniew Brzeziński, le plus influent conseiller des présidents américains déclare :
L’Amérique a acquis une position hégémonique globale sans précédent. Elle n’a, aujourd’hui, aucun rival susceptible de remettre en cause ce statut. Qu’en sera-t-il dans un avenir proche ?
Dans son livre Le Grand Echiquier, il exprime notamment sa crainte d’une alliance Allemagne-Russie. Sans l’Ukraine, la Russie n’est plus une puissance eurasienne. D’où la nécessité d’aider l’Ukraine à s’émanciper de l’influence russe. Bien sûr au nom des valeurs démocratiques, qui ont inspiré la politique américaine dans ce pays depuis 2004.
3. La crise ukrainienne : des débuts à l’élection de Trump
Encore une fois, je ne vais pas refaire l’historique de l’importance des USA dans les Révolutions ukrainiennes et la constitution des gouvernements post-Maïdan, après 2014. Le New York Times, qui a pris fait et cause pour la campagne de Hillary Clinton, n’est pas suspect de prise de position pro-russe. Ce qu’il révèle est de première importance concernant la manière dont les USA installent aux portes de la Russie des dispositifs militaires.
https://www.tf1info.fr/international/video-guerre-ukraine-russie-la-cia-aurait-installe-12-bases-secretes-le-long-de-la-ligne-de-front-2287430.html
Depuis 2014, la CIA forme des agents, installe des bases, intercepte les conversations russes directement de puis l’Ukraine. Selon un haut-responsable européen interrogé par le journal,
vers la fin de l'année 2021, Poutine se demandait s'il devait lancer son invasion à grande échelle lorsqu'il a rencontré le chef de l'un des principaux services d'espionnages russes, qui lui a dit que la CIA, en collaboration avec le MI-6, contrôlait l'Ukraine et en faisait une tête de pont pour les opérations contre Moscou.
On peut condamner l’invasion russe en Ukraine en 2022, mais on ne peut pas la dissocier d’un contexte d’encerclement croissant. La séquence guerrière ne commence pas en février 2022. Elle est le résultat de tensions croissantes dans lesquelles la politique américaine a joué un rôle constant. La Russie a prévenue qu’elle ne laisserait pas les USA avancer leurs pions, puis elle a attaqué, versé le premier sang. Dont acte !
Il est tellement symptomatique qu’un des premiers actes de guerre de l’Ukraine et de leurs alliés américains aient été de détruire Nord Stream. De couper l’Allemagne et l’Europe de l’énergie russe. Les Européens ne se sont pas indignés, ils ont accepté. Mieux, ils ont pris des sanctions économiques contre la Russie, contribuant à saborder un peu plus leur propre économie pendant que la Russie se tournait vers les presque 3 milliards de Chinois et d’Indiens à ses portes.
Les Etats-Unis ont alors eu le culot de dire qu’il était bien que l’Europe sorte de la dépendance énergétique vis-vis de la Russie. On appelle dépendance maintenant des relations commerciales ? C’était bien sûr pour entrer dans la dépendance américaine. Trump vient de menacer les Européens de taxes s’ils ne lui achetaient pas plus de pétrole et de gaz de schiste… Super !
L’Ukraine a été le fer porté pour séparer l’Europe de la Russie. Les Européens ont laissé faire. Ils auraient dû, dès le début de la stratégie d’extension de l’OTAN, dire non. Dire que l’Europe, c’était chez eux. À eux d'en décider. À eus de faire la politique qu'ils voulaient avec la Russie. Mais ils étaient déjà trop vassalisés pour cela, et les « élites » européennes trop « atlantistes », pour rester poli. "Trahissant les intérêts de paix et de prospérité de leurs peuples" serait plus juste.
L’affaire est maintenant entendue : Europe et Russie ne sont plus du tout en position de menacer les USA par une alliance économique. Les USA ont réussi leur coup et renforcé la dépendance européenne à son égard. Trump peut s'essuyer les pieds sur le Danemark en affichant ses prétentions sur le Groenland. Le danger est ailleurs maintenant.
4. Séparer la Russie de la Chine
En séparant la Russie de son partenaire naturel européen, les USA ont pris un vrai risque : la Russie, tirant des leçons de l’échec de la politique de main tendue, s’est tournée vers de nouveaux partenaires : les BRICS et la Chine.
Poutine, actant la rupture avec les partenaires naturels européens, a logiquement renforcé les relations avec la Chine.
Le 20 mars 2023, Xi Jinping a fait une visite officielle de trois jours à l’issue de laquelle Vladimir Poutine a estimé que "les relations russo-chinoises ont atteint le point culminant de leur histoire" et que la qualité des liens entre Moscou et Pékin était "supérieure à celle des unions politiques et militaires des temps de la Guerre froide".
https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230321-russie-chine-une-relation-renforc%C3%A9e-par-la-guerre-en-ukraine-malgr%C3%A9-une-rivalit%C3%A9-r%C3%A9gionale
Le 17 octobre 2023, le président russe rencontrait son homologue chinois en marge du troisième Forum de la Ceinture et de la Route à Pékin. Vladimir Poutine déclarait que les conflits dans le monde renforçaient l’axe Pékin/Moscou.
https://www.iris-france.org/179240-rencontre-poutine-xi-jinping-vers-un-renforcement-des-relations-entre-la-chine-et-la-russie/
La Chine a, depuis 2022, largement augmenté ses importations d'hydrocarbures (pétrole et gaz) provenant de Russie – sécurisant ainsi ses approvisionnements énergétiques –, tout en exportant des technologies et des voitures vers son voisin russe. Au total, les échanges commerciaux sino-russes ont enregistré une hausse de 34 % sur un an, atteignant en 2022 un montant record de 190 milliards de dollars (177 milliards d'euros), selon les douanes chinoises.
Une alliance militaire inédite semble aussi se dessiner : https://www.aa.com.tr/fr/monde/la-chine-et-la-russie-se-mettent-daccord-pour-promouvoir-leurs-relations-militaires-%C3%A0-un-niveau-sup%C3%A9rieur/3123859
Il s’agit pour l’instant d’un simple accord de principe sans contenu, mais l’isolement diplomatique et militaire de la Russie, son encerclement par l’ouest pourrait lui faire franchir le pas avec son partenaire du Sud Est. Une alliance qui, si elle se confirmait ne serait pas forcément une chance pour la paix dans le Monde, sauf à instaurer un nouvel équilibre de la terreur.
Les USA voient maintenant ce danger. La Chine les inquiète depuis longtemps. On sait depuis le premier mandat de Trump qu'elle est le vrai ennemi, avant la Russie.
Le rapport d’analyse de la CIA sur la situation internationale du 5 février 2024 ne place pas la Russie au premier rang des menaces. Pour la CIA, la Russie ne présente pas de danger d’extension du conflit, https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf. Voir page 23 :
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné d’énormes dégâts dans le pays et à l’étranger, mais la Russie reste un adversaire résilient et compétent dans un large éventail de domaines et cherche à projeter et défendre ses intérêts à l’échelle mondiale et saper les États-Unis et l’Occident. Le renforcement des liens de la Russie avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord pour renforcer sa production et son économie de défense constituent un objectif majeur.
La Russie continuera de défendre ses intérêts dans un contexte concurrentiel et parfois de manière conflictuelle et provocatrice et faire pression pour influencer d’autres pays dans l’après–espace soviétique à des degrés divers.
Dans l’ordre des menaces énumérées par le rapport, la Russie ne vient qu’en quatrième position, après la Chine, l’Iran, la Corée du Nord. Trump, dès son premier mandat, considérait la Chine comme le véritable ennemi. Il n’a pas changé d’un pouce, mais la situation géostratégique si. Le risque asiatique est monté d’un cran avec l’alliance qui se dessine.
Trump arrivant au pouvoir en 2025 fait une solide analyse géopolitique : les USA risquent de tomber de Charybde en Scylla, de l’alliance entre UE et Russie à celle, plus redoutable encore entre Russie et Chine.
Que faire ? Séparer les deux puissances.
Comment faire ? Se rapprocher de la Russie, nouer un dialogue bilatéral, une union stratégique. Un mariage entre grandes puissances. Entre autocrates, on va se comprendre !
Que met Trump dans la corbeille de mariée ? La partie de l’Ukraine qui intéresse la Russie, la russophone, ce qui est peu de choses. Lui essaie de prendre les minerais et terres rares qu’il peut, en échange des millards envoyées par les USA à Zelensky depuis 2022. Symbole entre tous, Trump ira à Moscou fêter l'armistice du 8 mai 1945. Il rend ainsi hommage au peuple qui a payé le plus lourd tribut dans la guerre contre le nazisme : 17 millions de morts. On se souvient que Macron n'avait pas invité Poutine pour les commémorations du 6 juin 1944. Y a-t-il meilleur symbole du changement de donne politique ?
Maintenant que les USA se retirent, l’Europe paiera le bal : entendez la reconstruction de l'Ukraine et, s’il le faut, l’envoi de troupes de maintien de paix.
Conclusion
L’Europe n’a rien vu venir ou alors, ce qui est pire, ses dirigeants, depuis longtemps trop inféodés, ont laissé les USA agir dans leurs seuls intérêts et sacrifier les intérêts européens. Ils se sont tirés des buts contre leur camp depuis 20 ans, oubliant que les USA n’ont pas d’alliés, seulement des vassaux. Les Américains décident seuls de la politique à mener et font parfois semblant de demander l’avis des Européens pour qu’ils acceptent de se sacrifier : c’était la version douce, Obama-Biden. La version Far West, c’est Trump mais elle rien ne change sur le fond. Seules les paroles changent un peu, mais la musique est la même. Les Européens se sont vu donner récemment une leçon de politique par le vice-président Vance. J’y reviendrai, ainsi que sur l’attitude de nos dirigeants : ce sera dans une future livraison, pour ne pas rallonger encore.
L’Europe ne pèse plus rien, ni économiquement, ni démographiquement, ni militairement, ni diplomatiquement. Demain, elle va payer les violons du bal ukrainien. Et elle n’aura même pas commandé la musique. La presse française montre des images de Macron se tapant dans les mains avec Trump, la "bromance". Elle répète que seul Macron est capable de tenir un discours de vérité à Trump. Quand je vois cette image, je pense à la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf. Passons vite le budget militaire français à 5% du PIB : on aura de quoi acheter des armes américaines ! Qu'est-ce qu'on se marre, décidément !
