Titre en forme de clin d’œil à La guerre de Troie n’aura pas lieu, de Giraudoux. La pièce de théâtre s’ouvre au moment où on peut encore l’empêcher. La plupart ne la veulent pas et font tout pour l’éviter. Quelques extrémistes la veulent. Et ils l’emportent, par bêtise. Et même par la bêtise d’un seul, in fine, un quidam nommé Demokos. Cette pièce est écrite en 1935, dans un contexte de guerre qui s’annonce. Elle aura bien eu lieu, celle-ci, aussi.
Moi, depuis deux mois, quand j’entends les dirigeants européens, j’ai peur. Ils n’ont que le mot guerre à la bouche, ils veulent en découdre. « Faut qu’ça saigne », chantait l’auteur du Déserteur. Ils répandent le Discours de la Peur.
Comment en est-on arrivés là ? Et va-t-on à la guerre généralisée annoncée, prédite ? Désirée par certains même, quasiment apppelée de leurs voeux ?
Pour y répondre, je vais faire un long détour. Comment en est-on arrivés là ? Poutine est-il le fou qui est décrit ? Les Américains sont-ils les protecteurs des Européens et les garants de la liberté ? Ce sont les grilles de lecture communes, construites depuis des décennies, des systèmes de valeurs solidement ancrés. Je vais probablement heurter, prendre à rebours, bousculer. Peu importe, on n’est pas obligés d’être d’accord ! Mais au moins, je vais essayer de faire comprendre pourquoi et comment une autre politique serait possible et urgente pour l’Europe. Qui ne passe pas par la poursuite de la mort des Ukrainiens, qui n’ont rien demandé, et qui ne passe pas par l’escalade de la guerre.
C’est un autre narratif, alternatif, que je vais construire : un narratif dans lequel les USA ne sont pas les garants de la liberté mais une hyperpuissance qui ne cesse de pousser partout ses pions, dans son seul intérêt. Quoi qu’il en coûte… aux autres ! Un narratif dans lequel les Russes sont certes des agresseurs mais qui ne sont pas les seuls dans ce rôle.
Je vais faire la part belle aux USA. A tout seigneur, tout honneur.
Ne faisons pas ici l’histoire des interventions américaines en Amérique latine. Considérons que l’Amérique latine fait partie de leur zone d’influence et passons sur tous les épisodes où les USA y ont renversé des régimes, nourri des guerres civiles. Considérons que la crise de Cuba était légitime comme le résultat d’une incursion soviétique dans leur espace vital.
Et commençons par considérer la liste des interventions américaines hors de ce continent.
1. Les USA gendarmes du monde ou principal fauteur de guerre ?
Voici une liste d’éléments tangibles, indiscutables : j’ai écarté d’autres conflits où l’on pourrait discuter du rôle réel des USA. Celle-ci me semble suffire. Elle devrait suffire à se demander quel est réellement le rôle de ce pays qui se donne le droit d’intervenir partout où cela sert ses intérêts. Il n’intervient pas qu’économiquement ou diplomatiquement mais par la force des armes.
1950 : guerre en Corée du Nord, sans mandat international
1953 : renversement du Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh pour avoir nationalisé le pétrole
1964-1975 : guerre au Viet Nam, sans mandat international
1979 : financement des talibans en Afghanistan contre un régime pro-russe
1986 : bombardements en Lybie, sans mandat : Tripoli, Benghazi. La France a interdit le survol de son territoire à cette occasion.
1999 : “C’est moi qui ai suggéré de bombarder Belgrade. C’est moi qui ai suggéré d’envoyer des pilotes américains et de faire sauter tous les ponts sur le Danube” (Joe Biden, 1998, sénateur, réunion de la commission sénatoriale des affaires étrangères). Bombardements intensifs de l’OTAN (37 465 sorties avec 786 avions) et ininterrompus durant 78 jours, soit plus de 2 mois et demi. Bilan des pertes humaines : 2 500 personnes, dont 89 enfants. Et ce sans aucun mandat de l’ONU, ni sans que la Serbie ait agressé un quelconque pays.
Le prétexte (prévenir le génocide serbe contre le Kosovo) s’avéra être un fake-news.
2001 : à la suite des attentats terroristes en sol américain, notamment sur le World Trade Center à New York, le président des États-Unis de l'époque, George W. Bush, ordonne une intervention en Afghanistan (mandat de l’ONU)
2003 : Invasion de l’Irak en 2003 par la coalition menée par les États-Unis. Prétexte : armes de destruction massive. Fake news.
2011 : Libye, opération militaire multinationale sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU), qui s'est déroulée entre le 19 mars 2011 et le 31 octobre 2011. À partir du 31 mars 2011, après douze jours l'ensemble des opérations sont conduites par l'OTAN dans le cadre de l'opération Unified Protector.
Fin 2021 : Yémen, “la pire crise humanitaire du monde” (Nations unies) –: 377 000 morts, 10 000 enfants tués ou blessés depuis le début de la guerre, fin 2014, plus de 4 millions de personnes déplacées, 17,4 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire (ce chiffre devrait atteindre les 19 millions d’ici la fin de l’année), 5 millions de personnes sont au bord de la famine. L’Arabie saoudite, alliée des USA dans la région, bombarde le Yémen.
2024 : Israël bombarde les populations palestiniennes avec l’appui des USA. Les USA opposent leur véto à toute résolution demandant un cessez-le-feu et fournissent les armes.
Le narratif qui accompagne ces interventions, afin de les rendre acceptables, prend des visages différents, toujours celui de nobles causes : au nom de la lutte contre le communisme, au nom du principe de ‘’responsabilité’’, au nom de la liberté et même du droit ‘’d’ingérence humanitaire’’, de la lutte contre le terrorisme. La réalité est tout autre : au journaliste américain qui, à propos de l’Irak, lui demandait à la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright si ‘’Du fait de cet embargo, les 500 000 enfants déjà morts, étaient-ils le prix à payer ?’’, celle-ci confirma : ‘’Oui, c’est le prix à payer’’. Mais d’arme de destruction massive, on ne trouva point. En revanche, les USA mirent la main sur le pétrole irakien et installèrent des bases aux portes de l’Iran.
2. La sphère d’influence des USA ? Le monde entier
Les USA, sous prétexte d’être les garants de la paix ou de la démocratie, ont des bases militaires partout dans le monde, qui sont leur force de projection. Cela signifie que leur sphère d’influence n’a pas de limite.
Cette carte est à comparer avec une carte analogue de 2007
Les USA ne cessent de se projeter hors de leurs frontières et ne cessent d’encercler la Russie.
Cet encerclement passe par l’extension croissante de l’OTAN. Il en sera question au point suivant. En comparaison, voici les bases russes dans le monde.
On retrouve cette différence de puissance en comparant les budgets militaires.
La Russie a un budget militaire 10 fois inférieur à celui des USA et pèse la moitié des seuls budgets allemand, anglais, et français additionnés.
En février 2024, les discours de l’OTAN sur le fait que la Russie a l’intention d’attaquer les pays européens après l’Ukraine semblent un peu décalés par rapport à ce genre de réalité : « La Russie ? Combien de divisions ? ». Mais peu importe, le discours de la Peur est entonné, celui qui paralyse tout esprit critique et fait taire toute opposition. On y reviendra.
3. Focus sur l’Ukraine : un domino à renverser sur le jeu d’échecs géopolitique
L’affrontement en Ukraine ne date pas d’hier. L’agression russe de 2022 est à replacer sur la toile de fond d’un interventionnisme américain croissant.
Premières expansions de l’OTAN
L'OTAN est formée le avec douze membres fondateurs.
Fin 1991, effondrement et dislocation de l’URSS. Les anciens pays dits « de l’Est » sont des pays neutres, zone tampon entre l’OTAN et la Russie. Avec la Suède et la Finlande.
La fin de l’URSS n’entraine pas la dissolution de l’Alliance. De nouveaux objectifs lui sont assignés : maintien de la paix dans les Balkans, guerre contre le terrorisme, cybersécurité, etc.
1994, Mémorandum de Budapest (Traité de non-prolifération des armes nucléaires avec l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan) avec les USA, la Russie et l’Europe. Le secrétaire d’État James Baker déclare : “Il est important, non seulement pour l’Union Soviétique mais aussi pour les autres pays européens, d’avoir des garanties comme quoi, si les États-Unis gardent une présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, la juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce en direction de l’Est.”.
12 janvier 1994 : Clinton déclare que l’Alliance acceptera de nouveaux membres. C’est le début de la reprise américaine de la stratégie de la tension. Fin du bref intermède de paix en Europe.
10 mai 1995 : Eltsine obtient de Clinton de suspendre l’élargissement de l’OTAN
8 juillet 1997 : La Hongrie, la Pologne et la Tchéquie sont officiellement invitées à adhérer à l'OTAN.
1999-2004, profitant de la faiblesse de la nouvelle Russie, les USA poursuivent leur stratégie expansionniste. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie sont admis dans l’OTAN.
2003 – 2005, “Révolutions de couleur” dans trois républiques de l’ex-URSS : Géorgie, Ukraine, et Kirghizstan. Pilotées et financées par la CIA au travers de Fondations américaines (NED, Freedom House, CANVAS, Soros, etc…) et d’organisations subversives locales. Cela a été abondamment documenté.
L’éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, rapporte les propos de l’un des plus grands analystes de la Russie, George Kennan, architecte de la victorieuse politique de containment de l’URSS durant la guerre froide : « Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes vont progressivement réagir de manière assez négative et que cela affectera leurs politiques. Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison pour cela. Personne ne menaçait personne d’autre. [L’expansion de l’OTAN] n’a été qu’une action légère de la part d’un Sénat qui ne s’intéresse pas vraiment aux affaires étrangères. Ce qui me dérange, c’est la superficialité et le manque d’information de l’ensemble du débat sénatorial. J’ai été particulièrement gêné par les références à la Russie en tant que pays mourant d’envie d’attaquer l’Europe occidentale. Les gens ne comprennent-ils pas ? Nos différences dans la guerre froide étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons le dos à ceux-là mêmes qui ont organisé la plus grande révolution sans effusion de sang de l’histoire pour renverser ce régime soviétique. (…) Bien sûr, il y aura une mauvaise réaction de la part de la Russie, et alors [les partisans de l’élargissement de l’OTAN] diront que nous vous avons toujours dit que les Russes étaient comme ça… ».
Prophétiques propos, tenus en 1998, suite à l’adoption par le Sénat américain de la décision d’étendre l’OTAN, une année avant l’arrivée de Poutine au pouvoir…
2005. C’est l’époque de la main tendue de Chirac et Schroeder envers la Russie.
« La France n'en maintient pas moins le cap de sa "politique de la main tendue", en voulant croire que Vladimir Poutine n'a pas définitivement renoncé aux réformes. Cette politique, qui est aussi celle de Berlin, ne fait pas que des adeptes ces temps-ci en Europe, notamment dans les pays baltes et en Pologne.
Dans l'entourage de Jacques Chirac, on fait valoir que l'établissement de liens aussi denses que possible, dans tous les domaines, avec une Russie stable et démocratique reste un "objectif stratégique prioritaire pour l'Union européenne". L'élargissement vers l'Est de l'Union et de l'OTAN suscite à Moscou des inquiétudes et des "crispations" qu'il faut, estime-t-on à Paris, apaiser plutôt qu'attiser. L'invitation du nouveau président ukrainien Viktor Iouchtchenko par l'OTAN à Bruxelles en février est ainsi tenue pour une erreur, de même que toute admonestation publique faite à M. Poutine. »
On voit qu’il y a vraiment possibilité de rapprochement entre Paris, Berlin et Moscou et que dans le même temps, les USA commencent à manœuvrer pour isoler Poutine en essayant de faire basculer l’Ukraine dans l’OTAN. On voit déjà les inquiétudes des Russes face à l’expansion de l’OTAN.
En 2006, Chirac propose un plan de protection croisée de l’Ukraine par l’OTAN et la Russie, voir à ce propos l’interview de l'ex-ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne.
2007. 43e édition de la conférence de Munich sur la sécurité. Poutine est on ne peut plus clair : « J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible…. Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. ».
On voit Poutine prévenir, tracer des lignes rouges. Mais l’OTAN continue.
2008, Avril. Sommet de l’OTAN à Bucarest.« L’Alliance atlantique s’est engagée à Bucarest à admettre Kiev et Tbilissi dans ses rangs… La Géorgie salue une décision “historique”, Moscou dénonce “une erreur stratégique” ».
2008, Août. La Géorgie attaque l’Ossétie du Sud. La Russie intervient militairement pour soutenir la volonté de ses habitants et ceux de l’Abkhazie, russophones, de s’émanciper de la tutelle géorgienne.
Cette réaction militaire d’une Russie qui sort du marasme des années 90 n’a pas été prise au sérieux.
Zbigniew Brzeziński, le plus influent conseiller des présidents américains déclare : « L’Amérique a acquis une position hégémonique globale sans précédent. Elle n’a, aujourd’hui, aucun rival susceptible de remettre en cause ce statut. Qu’en sera-t-il dans un avenir proche ? »
Dans son livre ‘’Le Grand Echiquier’’, il exprime notamment sa crainte d’une alliance Allemagne-Russie. Sans l’Ukraine, la Russie n’est plus une puissance eurasienne, et ajoute-t-il, l’Europe en serait dangereusement atrophiée. D’où la nécessité d’aider l’Ukraine à s’émanciper de l’influence russe. Bien sûr au nom des valeurs démocratiques, qui ont inspiré la politique américaine dans ce pays depuis 2004.
4.Les USA et les Révolutions ukrainiennes
De 1991 (séparation avec la Russie) à 2004, l’Ukraine a eu deux présidents russophiles (Kravtchouk et Koutchma). En novembre 2004, également russophile, Viktor Ianoukovytch est élu président. Des manifestations ‘’populaires et spontanées’’, appelées ‘’Révolution orange’’, remettent en cause le verdict des urnes, et le 26 décembre 2004 le pro-américain Viktor Iouchtchenko est élu.
Contrairement aux habitudes passées, les USA s’investissent massivement et ouvertement. Des dirigeants américains se rendent sur place (Kissinger et Mc Cain). 5 milliards de dollars depuis 1991 sont versés par l’intermédiaire d’ONG, selon la diplomate américaine Victoria Nuland, représentante du Bureau des Affaires Européennes et Eurasiennes à Washington, très impliquée dans les affaires ukrainiennes.
En février 2010, le peuple ukrainien sanctionne le bilan très négatif de Iouchtchenko, qui n’obtient que 5% des voix. Le russophile Viktor Ianoukovytch est réélu avec 48,95 % des voix. Il devient le 4ème président de l’Ukraine, cette fois sans contestation. L’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) juge le scrutin « transparent et honnête ». La machine américaine de la déstabilisation fait alors feu de tout bois et 4 ans plus tard, elle aboutit à la ‘’Révolution de Maidan’’, qui chasse Ianoukovytch, obligé de fuir.
C’est la Secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, Victoria Nuland qui, sur place, est directement au poste de pilotage. Elle apporte son soutien aux ‘’révolutionnaires’’ et compose le nouveau gouvernement. Les faits sont documentés et ont fait l’objet d’un scandale diplomatique, hélas oublié dans la propagande des discours sur la démocratie retrouvée en Ukraine. Le , l’enregistrement d'un appel téléphonique datant du entre Victoria Nuland et Geoffrey Pyatt, ambassadeur des États-Unis en Ukraine, est publié sur YouTube. La diffusion de la conversation téléphonique a provoqué un scandale ; le langage employé (« And, you know… Fuck the EU ») lorsque les deux protagonistes discutent de l'arrivée d'un nouveau représentant de l'ONU à Kiev, a ainsi particulièrement choqué. La chancelière allemande Angela Merkel ainsi que le président du Conseil de l’Europe Herman Van Rompuy ont condamné ces propos, jugés inacceptables. De plus, durant cette conversation avec l'ambassadeur américain, elle parle des protagonistes de la crise, et de la formation du prochain gouvernement ukrainien, dans laquelle les États-Unis auraient un droit de regard ; les noms d'Arseni Iatseniouk (qui venait de se voir proposer un poste de premier-ministre par le président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch) désigné sous le pseudonyme de « Iats », et de Vitali Klitschko, revenant plusieurs fois dans la discussion. Iatseniouk est devenu Premier ministre d'Ukraine le .
Ainsi, dès 2014, les USA ont fait tomber le domino ukrainien, à propos duquel la Russie avait à plusieurs reprises émis des mises en garde.
5. Les révélations du New York Times sur les positions avancées américaines en Ukraine
Le New York Times, qui a pris fait et cause pour la campagne de Hillary Clinton, n’est pas suspect de prise de position pro-russe. Ce qu’il révèle est de première importance concernant la manière dont les USA installent aux portes de la Russie des dispositifs militaires.
Depuis 2014, la CIA forme des agents, installe des bases, intercepte les conversations russes directement de puis l’Ukraine. Selon un haut-responsable européen interrogé par le journal, "vers la fin de l'année 2021, Poutine se demandait s'il devait lancer son invasion à grande échelle lorsqu'il a rencontré le chef de l'un des principaux services d'espionnages russes, qui lui a dit que la CIA, en collaboration avec le MI-6, contrôlait l'Ukraine et en faisait une tête de pont pour les opérations contre Moscou."
On peut condamner l’invasion russe en Ukraine mais on ne peut pas la dissocier d’un contexte d’encerclement croissant. La séquence guerrière ne commence pas en février 2022. Elle est le résultat de tensions croissantes dans lesquelles la politique américaine a joué un rôle constant. L’hypothèse de la folie d’un dirigeant autocrate et tyrannique est au moins à relativiser en prenant en compte ce contexte.
6. Quelle guerre se joue à nos portes ?
La guerre qui se joue en Ukraine est pour moi une guerre des USA menée contre la Russie par l’intermédiaire de l’Ukraine, qui est un simple pion. Un pion avancé après de nombreux autres. Dans quel jeu de stratégie ?
On entre ici dans les interprétations géopolitiques.
Les avancées constantes des USA et de l’OTAN ont provoqué l’invasion de l’Ukraine, sur laquelle des lignes rouges de sécurité ont été maintes fois posées par Moscou. En réaction, l’OTAN a pu récupérer la Finlande et la Suède, achevant le processus d’encerclement commencé en 1994 dans un vrai contexte de paix et faisant de la Baltique une mer intégralement OTAN.
La première intention des USA est d’isoler la Russie et de l’empêcher de constituer une alliance avec l’Europe, de s’arrimer à l’UE dans un partenariat économique où les deux parties seraient dans une position de gagnant-gagnant. C’est la position de l’administration démocrate, depuis Clinton, Obama, Biden.
J’ai dans un autre article de blog rappelé l’hostilité déclarée de Biden et de son administration au gazoduc Nordstream, le fait qu’il y serait mis fin. Les Américains dénonçaient là le risque d’une trop grande dépendance des Européens… Depuis que Nordstream a sauté, les Européens dépendent en fait du gaz de schiste américain : ce qui serait normalement appelé partenariat économique est baptisé « dépendance » et le tour est joué. Une dépendance nouvelle au gaz américain, chère et encore plus ravageuse pour la planète est enclenchée. Les prix de l’énergie électrique ont déjà augmenté de 25% en France et cela va continuer. L’inflation a suivi. Nordstream, ce n’est plus la peine d’en faire la démonstration, a été une opération ukrainienne contre un gazoduc arrivant en Allemagne : on a un récit du New York Times très détaillé depuis un an. Avec la complicité des services secrets américains qui étaient au courant de l’affaire depuis des mois. La Suède vient de conclure qu’elle ne pouvait pas poursuivre parce que les Suédois n’étaient pas concernés, suivie par le Damenark. https://www.bfmtv.com/international/sabotage-de-nord-stream-apres-la-suede-le-danemark-clot-son-enquete-sans-poursuite_AD-202402260502.html
« La police danoise a annoncé ce lundi 26 février clore son enquête sur le sabotage des gazoducs Nord Stream en mer Baltique en septembre 2022, estimant ne pas "avoir les bases nécessaires" pour des poursuites, une décision "proche de l'absurde" selon le Kremlin.
On préfère regarder ailleurs que désigner les coupables. En tout cas, une chose est sûre, les Russes ne peuvent pas être impliqués, contrairement aux hypothèses ukrainiennes et américaines tout de suite relayées par les médias ; s’il y avait eu le moindre indice, il aurait été exploité.
Depuis, la stratégie américaine consiste à creuser le fossé entre l’Europe et la Russie et la poursuite du conflit, sans jamais de pourparlers de paix, y contribue. Les Européens sont amenés à s’engager toujours plus avant et le pacte signé le 26 février à Paris en est une nouvelle illustration.
Trump n’est pas isolationniste ni pro-russe. Il est tout aussi opposé à la Russie que Biden. Mais sa lecture est qu’il ne faut pas trop isoler la Russie au risque de la voir s’allier encore un peu plus à l‘ennemi principal, celui du coup d’après, le plus grand rival actuel, la Chine. De fait, l’isolement de la Russie par rapport à l’Europe a eu cet effet de rapprocher deux puissances anciennement rivales, Russie et Chine. Et la Russie, dans ses dernières déclarations, ne semble pas près de revenir à la politique de recherche de partenariat qui était celle encore en vigueur en 2006, qui a vu la construction des gazoducs Nordstream 1 et 2, dans le sens d’une plus grande intégration économique. Trump n’est pas plus isolationniste que Biden, mais sa lecture des priorités est différente.
L’Amérique est relativement à l’abri derrière l’Océan. Elle vend son énergie à prix d’or, elle fait tourner son industrie d’armement et reçoit dans l’OTAN de nouveaux pays, Finlande, Suède, traditionnellement neutres. Poursuivre la guerre ne lui coûte rien et lui rapporte économiquement et diplomatiquement. Maintenir la Russie en guerre affaiblit ce rival. On comprend qu’elle ne cherche pas à favoriser des négociations et une fin de conflit.
Mais quel est l’intérêt des Européens à laisser le conflit perdurer sur le Continent ? Aucun intérêt, les peuples européens souffrent d’une crise économique dont les effets commencent à peine à se voir, avec des fermetures d’entreprise en Allemagne du fait du coût de l’énergie, et une paupérisation des populations pour la même raison. Pourtant, les Européens, on va le voir, ont entamé un nouveau narratif, qui pourrait conduire à un conflit généralisé : celui de la menace russe sur différents pays européens.
7. Vers l’embrasement ?
Depuis le début de l’année 2024, plusieurs pays européens agitent le spectre d’une attaque future de la Russie contre des pays européens, une fois le sort de l’Ukraine réglé. Et donc, si l’on n’arrête pas la Russie en Ukraine, l’ours-ogre russe avalera le reste de l’Europe.
En d’autres termes, le moteur de la politique étrangère russe serait l’expansionnisme. À la manière du Reich allemand.
Cette vision n’est pourtant étayée d’aucun fait :
L’invasion de l’Ukraine est de la même nature que l’attaque en Géorgie en 2008 : ne pas laisser les Américains investir des pays tampons et apporter la menace directement derrière la frontière russe ; il s’agit d’une réaction, d’un stop posé. Les bases de négociations de paix proposées par la Russie trois mois après le début du conflit sont la neutralité de l’Ukraine. Ces bases ont été repoussées.
Il n’existe pas une « doctrine » expansionniste dans la vision géostratégique de la Russie depuis les années 1990 ; or, dans l’Histoire, les pays expansionnistes n’ont jamais opéré par surprise, mais toujours annoncé leurs visées, leurs revendications faisant partie d’une idéologie politique constituant une des bases de ces régimes. C’est ainsi : Hitler revendiquait les Sudètes, Dantzig, etc. Il avait une doctrine du Reich de mille ans, qu’il a suivie. Mussolini avait annoncé sa stratégie coloniale en Lybie, Ethiopie. Les puissances colonisatrices anglaise et française ont théorisé leur expansion. Rien de cela n’existe dans la vision poutinienne. Ce n’est pas un simple détail, quand on prétend ensuite qu’une fois son compte réglé à l’Ukraine, il s’attaquera à l’Europe.
Les capacités de projection de la Russie sont limitées par un budget militaire qui est 10 fois inférieur à celui des USA et moitié moins important que l’addition de ceux de la France-Allemagne-Royaume uni : quand on voit leurs difficultés à prendre le dessus dans deux régions d’Ukraine, on ne peut s’empêcher de douter que la Russie ait les moyens de mettre en place une politique expansionniste qui l’entrainerait encore plus loin de ses bases arrière. La guerre se fait avec des moyens et il est clair que la Russie ne les a pas. Il faut être réaliste en matière diplomatique.
Pourtant, en dépit de ces faits assez têtus, un refrain belliqueux monte dans les pays européens.
Le premier à dégainer fut Carl-Oskar Bohlin. Dimanche 7 janvier dernier, le ministre suédois de la Défense civile était invité à s'exprimer sur la situation géopolitique dans le pays. "Il pourrait y avoir une guerre en Suède", a affirmé l'intéressé. « Nous devons comprendre à quel point la situation est grave et que les gens, jusqu’au niveau individuel, se préparent mentalement », abonde même le commandant en chef suédois, Micael Bydén.
Ces déclarations font également suite à la récente sortie de Jacek Siewiera, à la tête du Bureau de la sécurité nationale de Pologne : "Pour éviter une guerre avec la Russie, les pays du flanc oriental de l'Otan (comme la Suède, NDLR) devraient adopter un horizon de trois ans pour se préparer à la confrontation"
On voit dans cet article deux pays évoquer la possibilité d’un conflit, mais sans aucun fait pour étayer ces risques. En janvier 2024 toujours, c’est au tour du Danemark d’entonner le refrain.
La liste s'allonge. La Suède, la Norvège, la Pologne et la Roumanie ont déjà averti leurs populations de se préparer à une guerre avec la Russie. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a, lui aussi, partagé cette crainte, allant même jusqu’à avancer un timing: “dans cinq à huit ans”. “Nous sortons d’une période de 30 ans de paix et nous allons maintenant dans l’autre sens”, regrette-t-il.
Sur quoi se fonde cette annonce martiale ?
Selon les services de renseignement militaire danois, la Russie va accroître la pression sur les pays de l’OTAN.
Par définition, ce genre d’information n’est pas vérifiable. En l’espèce, il l’est d’autant moins que la nature de la menace n’est pas très précise. Le mot « pression » est utilisé, Qu’est-ce à dire ? Lisons la suite.
Comment? Vladimir Poutine pourrait notamment rassembler ses troupes à la frontière d’un pays de l’OTAN, assure le FE. Mais selon l’évaluation danoise, le président russe prendrait soin de ne pas provoquer une guerre directe avec l’OTAN en testant les frontières de l’alliance de cette manière.
Rassembler ses troupes à la frontière mais « sans guerre directe » ? C’est cela le danger qui guette dans les 5 ou 8 ans ? C’est à ce prix qu’on répand un Discours de la Peur ? Sérieusement ? Poursuivons la lecture. Je mets en gras la nature des menaces évoquées :
“Malheureusement, nous devons prendre au sérieux les nouveaux rapports très dramatiques faisant état d’une menace russe accrue et accélérée pour les pays de l’OTAN”, analyse Flemming Splidsboel, chercheur spécialisé dans les relations avec la Russie à l’Institut danois d’études internationales.
Des conquêtes de territoire ? Peu probable
“Il existe des renseignements (de la part des partenaires) qui vont clairement dans ce sens. Il pourrait s’agir de décisions politiques, par exemple, ou de l’élaboration de plans opérationnels en Russie”, poursuit-il. “Des tentatives de conquête de territoire sont peu probables, mais il pourrait s’agir d’opérations qui paralysent les processus décisionnels de l’OTAN, mettent en péril la cohésion et affaiblissent la volonté de l’alliance”, explique Flemming Splidsboel.
Voilà : les renseignements danois et ceux des « partenaires » font état de ces dangers : des « décisions politiques », élaborer des « plans opérationnels », mettre en péril la « cohésion » de l’OTAN et affaiblir sa « volonté ». On tremble, si on doit subir cela dans les 5 à 8 ans !
Le Discours de la Peur est mis en place, celui qui a déjà servi pour le Covid. « Nous sommes en guerre » : plus question de réfléchir ni de tergiverser. On le voit dans cet article de la presse régionale française, Midi Libre : le titre est extrêmement inquiétant.
Vladimir Poutine s'apprêterait à attaquer l'Europe en 2024 : ces inquiétantes stratégies que la Russie pourrait mettre en œuvre
« Attaquer l’Europe », « 2024 ». On y est. Lisons l’article, il détaille les mêmes éléments rapportés dans l’article précédent, celui des craintes danoises. On est pourtant passé de 5 à 8 ans à… 2024. Midi Libre aurait-il des infos particulières, venant des renseignements, ou surjouerait-il la peur ? Détail des « attaques » imminentes, le rouge est de Midi libre, le noir de moi :
Mais il n'est pas opportun pour la Russie d'attaquer de manière frontale. En le faisant, elle provoquerait un conflit plus grand : un seul membre attaqué oblige les autres à riposter.
Selon les informations récoltées et analysées, la Russie prévoirait plutôt une sorte de pression sur les pays. Avec un objectif, fragiliser les Etats de l'Otan et leurs relations entre eux, comme le rapporte Blick.
La véritable menace est plus insidieuse
Les renseignements démontrent que la Russie va plutôt agir de manière plus discrète, plus sournoise et son plan d'action est clair pour 2024.
Elle va contribuer à étendre sa propagande pour critiquer l'Otan et provoquer un sentiment anti-Ukrainien. Elle compte également financer les partis politiques qui œuvrent contre la cohésion européenne. S'ils arrivent au pouvoir, les pays seront ainsi moins unis et moins enclins à se rassembler pour une cause commune.
Sans oublier les cyberattaques que le pays prévoit de multiplier, toujours selon les informations recensées par les services dédiés au renseignement.
Aucune attaque militaire de prévue donc. Mais une politique « sournoise », de la « propagande », aider des partis à arriver au pouvoir. Faire des cyberattaques. On croirait lire le catalogue des actions des USA depuis 1991 dans les pays qui entourent la Russie.
Les services de renseignement des différents pays possiblement en première ligne n’ont rien trouvé de plus consistant, tangible, pour incarner la menace militaire russe. On tremble.
Mais ce climat de psychose entretenu par les politiques et les médias main stream européens suffit déjà à faire résonner le bruit des bottes.
Pologne, Allemagne et Pays-Bas créent un "Schengen des armées" de l'Otan
Il s'agit peut-être des prémices d'un "espace Schengen des armées de l'Otan". Le 31 janvier dernier, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Pologne signaient un accord de création d'un "corridor militaire". Objectif : fluidifier les déplacements de troupes et de matériels entre les alliés.
(…)
L'initiative, qui fait couler beaucoup d'encre en Russie, doit lever les barrières juridiques aux frontières et harmoniser les infrastructures, comme les routes et les ponts, pour permettre le passage des gros véhicules militaires.
Qui continue de manière dangereuse à faire monter la tension ? Le dernier avatar de la course à la guerre des pays occidentaux est dans la conférence de presse qui a suivi la Conférence sur la sécurité de l’Ukraine, le 26 février 2024.
Un discours martial du chef de l’Etat. Emmanuel Macron a appelé, lundi 26 février, les alliés de l’Ukraine réunis à Paris à un "sursaut" pour assurer la "défaite" de la Russie, annonçant de nouvelles mesures pour fournir plus d’armes à Kiev et refusant d’exclure l’option d’un envoi de troupes occidentales à l’avenir.
Cette conférence organisée à la hâte par le président français, en présence de Vingt-Sept autres pays, intervient à un moment critique pour l’Ukraine, en attente des armes occidentales nécessaires à sa survie.
On voit que Macron a eu une part importante dans la tenue de cette Conférence.
"Nous sommes à coup sûr au moment d’un sursaut qui est nécessaire de notre part à tous", a lancé Emmanuel Macron à l’ouverture de ce sommet devant plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement européens, dont l’Allemand Olaf Scholz, le Polonais Andrzej Duda et le Slovaque Robert Fico, ainsi que le chef de la diplomatie britannique David Cameron et des représentants américain et canadien.
Il a fait des annonces belliqueuses, la principale concernant l’envoi de troupes sur le terrain ukrainien :
Surtout, le président français s’est montré plus offensif que jamais lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité que des pays occidentaux décident d’envoyer des troupes sur le sol ukrainien - une option évoquée, pour la dénoncer, par le Premier ministre slovaque.
Il est lisible que Macron ne reflétait pas alors la parole de ses partenaires. Il en convient en début de séquence :
"Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre", a affirmé Emmanuel Macron, disant "assumer" une "ambiguïté stratégique".
L’attitude est diplomatiquement irresponsable. Macron met en avant une position qui marque un degré de plus dans l’escalade. Il le fait sans l’accord de ses partenaires, mis devant le fait accompli. Il agite sous le nez des Russes une menace nouvelle. Quant au concept d’ambiguïté stratégique, traduction militaire probable du « en même temps », il est assez inédit !
Libération se fait l’écho de la surprise des partenaires.
Aucun ne compte en fait envoyer de troupes, les USA pas plus que les Européens. En revanche, la Russie relève la provocation et prévient :
«Nous sommes tout à fait au courant de la position de Macron qui cherche à infliger une défaite stratégique à la Russie», a-t-il également tancé, affirmant qu’il s’agit là d’une déclaration «très importante» du président français. Et d’avertir : «Si tel était le cas, la discussion devrait inévitablement évoluer vers l’inévitabilité d’un conflit avec l’Otan.» Le Kremlin a toutefois noté qu’il n’y avait «pas de consensus» sur le sujet chez les Occidentaux.
En fait, la situation est la suivante. Macron organise « à la hâte » une conférence de soutien à l’Ukraine, puis il improvise une conférence de presse au cours de laquelle il prend de cours ses invités – en langage journalistique, on dit qu’il les « prend en otage », et fait des déclarations que personne ne cautionne, qui ne sont pas du tout le reflet de ce qui s’est dit. Il aime surprendre, être en rupture. En diplomatie, cela s’appelle jouer avec des allumettes assis sur un baril de poudre. Voilà pour le côté international. Mais au plan national, cette déclaration n’est le reflet d’aucun débat au Parlement, encore une fois. D’où tire-t-il sa légitimité pour engager ainsi le peuple français ? Dans cette séquence, Macron parle en son nom propre : il est l’incarnation même de l’autocrate qui tire son Pouvoir de … lui-même. Il se rêve Agamemnon à la tête des Achéens contre Troie, il n'est que Demokos.
Peut-être serait-il temps que le Président d’un pays démocratique cesse de vouloir endosser la tenue de chef de guerre qui était la sienne le 16 mars 2020, contre le Covid. Après avoir joué avec nos libertés, il joue maintenant avec la vie de Français qui n’ont rien demandé et qui n’ont pas été consultés. Quand je l’entends parler ainsi, j’ai envie de chanter du Boris Vian, quelques Brassens, et entonner « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »
Conclusion : « Que faire ? »
Pour les pays européens, raison garder, faire redescendre la pression, cesser de jeter de l’huile sur le feu et arrêter de considérer que Poutine est fou. Il est autocrate, mais la folie n’est pas son moteur.
Les pays européens doivent œuvrer à un cesser le feu et tenter de mettre en place une solution de neutralité de l’Ukraine sur la base des accords de Minsk, avec une protection croisée de l’OTAN et de la Russie.
Ils doivent arrêter de dire que l’Ukraine doit rejoindre l’OTAN et l’UE : deux chiffons rouges totalement inutiles sous les yeux de la Russie. Du reste, les Polonais sont les premiers à ne pas vouloir de l’Ukraine dans l’UE : ses producteurs de céréales sont déjà en guerre contre les céréaliers ukrainiens exemptés de droits de douane, alors s’ils entrent dans l’UE…
Les Européens doivent faire la politique de leurs intérêts, pas celle des intérêts des USA : et celle-ci passe par des relations commerciales et diplomatiques avec la Russie, pas avec l’existence d’un ennemi brûlant à ses portes en soufflant sur le feu.
PS : à l'heure où je mets en ligne, des journalistes faucons dans la matinale de Frrance inter, Isabelle Lasserre et Pierre Sergent, proposent de bombarder la Russie. "Poutine ne comprend que le langage de la force". Hubert Védrine tente vainement de faire entendre une voie divergente mais minoritaire, écrasée dans un dispositif médiatique qui la rend inaudible. Il me semble revenir aux temps de la propagande de l'été 14. On devait être à Noël à Berlin ! Ces gens-là me foutent vraiment la trouille. France inter aussi. Ils ont cette sorte de fascination pour le vide qui est la fin du Voyage au bout de la nuit de Céline :
"De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l’écluse, un autre pont, loin, plus loin… Il appelait vers lui toutes les péniches du
fleuve toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne, et nous, tout qu’il emmenait, la Seine aussi, tout, qu’on n’en parle plus."