Macron a persisté. Et la machine politico-médiatique est venue au secours du soldat Macron. Il avait eu le courage, il avait eu seul une attitude anti-munichoise.
Puis Macron a organisé un débat à l’Assemblée mené par Attal sur le ton de « Qui ne vote pas pour le plan d’aide à l’Ukraine » est un collaborationniste, un Munichois, un traitre, un représentant de la cinquième colonne. « Voter contre» le soutien à l'Ukraine, c'est envoyer le message que la France "tourne le dos" à son histoire, "s'abstenir c'est fuir" alors que "nous sommes à un moment de bascule", a mis en garde mardi le Premier ministre Gabriel Attal, en introduction du débat. Voilà qui aide à débattre en effet.
Seule la France insoumise et les communistes ont voté contre, un non-inscrit également Nicolas Dupont-Aignan, le RN s’est abstenu de peur de se voir stigmatisé à la veille des européennes.
Ce qui m’intéresse ici, c’est de voir quels arguments réels, concrets ont apporté Macron et Attal lors de leurs deux interventions : Attal à l’Assemblée avant le vote, Macron à la télévision après le vote, jeudi 14 mars puis le samedi 16 au Parisien. On attend de dirigeants qui sont prêts à faire entrer en guerre leur pays contre la Russie qu’ils donnent des arguments de poids. On ne fait pas la guerre à la légère, il me semble.
1. Attal et le Discours de la Peur
Commençons par Attal, donc, son discours en intégralité est ici :
https://www.gouvernement.fr/actualite/ukraine-declaration-de-gabriel-attal-a-lassemblee-nationale
Attal commence par repeindre en rose les « origines du conflit »
Mesdames et Messieurs les députés, si la Russie a lancé une offensive massive et coordonnée sur l'Ukraine le 24 février 2022, je crois qu'il est utile, pour la comprendre, de revenir aux origines du conflit.
Certains, en Russie, nostalgiques de l'Empire ou de l'hégémonie soviétique sur l'Europe de l'Est, n'ont jamais accepté l'éclatement de l'U.R.S.S. et l'indépendance de l'Ukraine. Menée par Vladimir POUTINE, ces impérialistes ne supportent pas que d'anciennes républiques soviétiques, et l'Ukraine en particulier, puissent prendre leur destin en main, puissent choisir souverainement leurs alliances, puissent faire le choix de la démocratie.
Il y a 10 ans, en février 2014, un vent de liberté part de la place Maïdan, souffle sur l'Ukraine et elle tourne son regard vers l'Europe. Il ne s'agissait pas alors pour l'Ukraine de se rapprocher de l'OTAN, mais de signer un accord d'association avec l'Union européenne. La Russie ne l'accepte pas et dès le 28 février 2014, des troupes russes entrent en Crimée, l'occupent et l'annexent en violation de toutes les règles internationales. Certains, y compris dans cet hémicycle, avaient alors nié cette annexion et accepté la parodie de référendum organisé par le Kremlin.
Exit les manœuvres des USA en Ukraine (que j’ai documentées dans l’article sur les USA, je n’y reviens pas), et les projets d’adhésion de celle-ci à l’OTAN, officiellement dans les cartons depuis 2008. La seule explication, c’est la nostalgie de l’URSS.
Puis vient un rappel de l’engagement des Européens aux côtés de l’Ukraine, en armement, en argent et on en arrive à évoquer les raisons d’une escalade. Pourquoi il va falloir faire plus.
Ne nous y trompons pas, c’est bien la liberté et le pluralisme qu'il remet en cause, c'est bien nos modes de vie et nos valeurs qu'il agresse et qu'il veut faire tomber.
Pour nous, tourner le dos à l'Ukraine, ce serait tourner le dos à nos valeurs, ce serait trahir la confiance de nos alliés et faire acte de faiblesse. Ce ne serait certainement pas la paix, mais la porte au contraire, la porte ouverte à de nouveaux conflits, de nouvelles blessures et de nouvelles guerres.
Alors depuis la première seconde, aux côtés du président de la République, nous le disons clairement et fermement, nous sommes aux côtés de l'Ukraine. Nous l'aiderons autant qu'il le faudra. (…)
Enfin, le soutien à l'Ukraine, c'est reconnaître qu'elle se bat tous les jours pour nos valeurs et qu'elle fait partie de la famille européenne.
On est là sur le registre des arguments moraux. L’Ukraine défenseur des valeurs européennes : je ne reviens pas sur ce que j’ai pu écrire à ce propos dans l’article qui lui est consacrée.
Mais les discours moraux ne suffisent sans doute pas à emporter la conviction, Attal va manier les arguments du Discours de la Peur. Ceux qui peuvent conduire, comme le dit le Président, à n’exclure aucune hypothèse, dont les troupes au sol sans doute. Il faut du concret, du lourd. Voici, en intégralité, j’entrecoupe de commentaires et je signale en gras les arguments :
Que voudrait dire concrètement pour les Français une victoire de la Russie ? Je ne parle pas ici seulement d'arguments moraux, de l'abandon d'une démocratie, de la trahison de nos valeurs. Je parle de conséquences concrètes qui pèseraient sur la vie des Français.
Une victoire de la Russie, je le dis clairement, c'est la fin d'un ordre international fondé sur le droit et un blanc seing donné à toutes les puissances animées d'instincts révisionnistes.
On peut rappeler ici (cf. article précédent) que cet ordre international est violé constamment par les USA depuis des décennies : Corée, Viet Nam, Libye, Irak, Kosovo, Afghanistan. Et en ce moment même encore, au Yémen avec ses alliés saoudiens, en Palestine avec les Israéliens. Certes la Russie s’inscrit en violation ici aussi mais prétendre que jusqu’ici c’est le droit international qui prévaut est un peu fort.
Une victoire de la Russie, c'est le signal qu'attendent les régimes autoritaires pour sonner la fin de l'histoire des démocraties libérales.
Discours de la Peur typique : de quels pays s’agit-il ? De qui parle-t-on au juste ? On veut des noms... À quelles démocraties libérales vont-ils s'attaquer ? Aucun élément.
Une victoire de la Russie, c'est le danger constant des appétits insatiables, une sécurité européenne affaiblie, des cyberattaques qui se multiplient encore davantage, jusqu'à pouvoir empêcher nos services publics de fonctionner.
Attal agite le chiffon rouge des cyber attaques « russes » : nos services publics pourraient ne plus fonctionner ! Admettons qu’elles existent, mais que le PM nous explique en quoi elles vont se multiplier si la Russie gagne en Ukraine. Qu’elle gagne ou pas, elle peut les mener si c’est sa stratégie, ce sont deux fronts différents. Aucun rapport. À moins qu’il ne s’agisse dans l'esprit d'Attal de renverser totalement Poutine pour empêcher les cyberattaques : « Sus aux hackers ! À bas Poutine ! À Moscou ! ». Alors, il faut le dire clairement et finir le travail laissé en plan par Napoléon. On est en pleine confusion politique et argumentative.
Une victoire de la Russie, c'est le risque de nouveaux conflits, plus proches encore, plus menaçants encore, et de la prolifération à quelques centaines de kilomètres de nos frontières.
Agiter le risque … « du risque », c’est une stratégie imparable. Quels nouveaux conflits ? Quand la Russie a-t-elle menacé d’envahir la Pologne, l’Allemagne ? La « prolifération »… mais de quoi ? Le mot est toujours associé à armes nucléaires : mais celles-ci sont intercontinentales, nul besoin de les poster en Ukraine pour gagner 500 km. On ne fait pas de diplomatie en agitant des « menaces fantômes » façon Star wars, en revanche on met au pas l’Assemblée et on fait peur au peuple :
Une victoire de la Russie, c'est la plus grande vague migratoire de l'histoire sur le continent européen. Des millions de réfugiés ukrainiens et des pays voisins qui craindraient désormais pour leur propre sécurité, qui se déplaceraient sur le continent européen.
Attal, bien putassier, vient taper là où ça fait mal en France : la question migratoire. Belle démagogie pour celui qui se présente comme le rempart contre le RN !
Une victoire de la Russie, c'est un danger direct pour notre sécurité alimentaire. La Russie et l'Ukraine, ce sont les deux plus grands producteurs de céréales au monde. Si la Russie prenait le contrôle des céréales ukrainiennes, elle serait libre de faire monter les prix comme bon lui semble en réponse à nos sanctions, menaçant directement nos agriculteurs et le pouvoir d'achat des Français. [Applaudissements].
Alors là, il faudrait qu’on m’explique… La Russie fait monter les prix du blé après sa victoire et… cela menacerait nos agriculteurs ? On pourrait penser au contraire qu’ils vendraient mieux le leur une fois débarrassés de la concurrence du blé ukrainien appartenant d’ores et déjà aux fonds de pension américains. Il faut faire la guerre pour sauver les agriculteurs français. Il faut faire la guerre pour sauver le pouvoir d’achat des Français. Mais avec quel argument réel, au-delà de l'incantation ? Heureusement, les applaudissements de la claque Renaissance au parlement empêche les élus de réfléchir à ce qui vient d’être dit.
Une victoire de la Russie, c'est aussi le risque de la panne énergétique généralisée. Nous avons réussi à tenir face au chantage gazier de la Russie. Mais si elle se trouvait en position de force après l'avoir emporté sur l'Ukraine, elle serait en mesure de déstabiliser davantage encore le marché, avec à la clé des factures d'énergie et des prix à la pompe qui exploseraient plus encore pour les Français.
Là, on touche le pompon. « Panne énergétique généralisée » ? Mais je croyais qu’on ne leur achetait plus rien déjà…. « Chantage gazier de la Russie » ? Mais de quoi parle-t-on ? Rappel des faits : la Russie nous vendait du gaz, l’Europe s’en portait très bien, avec des prix de l’énergie bons pour son économie. Puis l’Europe a décidé seule de boycotter le gaz russe – pour mettre l’économie russe à genoux (B. Lemaire) - et les prix ont flambé. Nos prix… Puis nos amis Américains ont aidé les Ukrainiens à nous affranchir de cette affreuse dépendance en sabotant Nord Stream et désormais on achète du gaz de schiste à prix d’or venu des USA sur des tankers polluants. Si la Russie gagne en Ukraine, qu’est-ce qui change sur ce marché de l’énergie au juste ? « Les prix à la pompe exploseraient plus encore pour les Français » ? Mais de quoi nous parle Attal ? On est censé ne plus rien leur acheter déjà, ni gaz ni pétrole… Aucun sens.
Je le dis clairement, la guerre a évidemment un impact dans la vie quotidienne des Français.
Les Français le voient bien : 25% d’augmentation des prix de l’électricité, inflation, dues à notre politique, seule.
Mais une victoire de la Russie, ce serait un cataclysme pour le pouvoir d'achat des Français, une inflation alimentaire puissance 10, une explosion des prix de l'énergie puissance 10. La liste est encore longue.
Attal répète dans le vide les mêmes leitmotiv vides de sens. « La liste est encore longue » : un peu facile, comme procédé. Des faits !
Je pourrais continuer longtemps à énumérer un à un les risques concrets, tangibles, directs d'une victoire de la Russie pour la vie quotidienne des Français. Dans un monde où la Russie gagnerait, les Français vivraient moins bien, avec des aliments plus chers, de l'énergie plus coûteuse, une insécurité croissante.
Ah tiens, dans la liste des sept plaies d’Égypte, voici l’insécurité croissante. Le florilège des peurs ! Attal répète, martèle : il sait qu’une ineptie répétée, reprise 10 fois devient une vérité dans le monde des vérités alternatives. C’est à cela que s’emploient les plateaux de télévision.
À nouveau, évidemment que cette guerre a un coût dans la vie quotidienne mais ce coût serait décuplé sans commune mesure si la Russie l'emportait sur l'Ukraine. Le succès de l'Ukraine, c'est aussi l'intérêt des Français. [Applaudissements]
En fait, pour emporter l’adhésion des députés français, Attal ne parle que d’argent, d’économie, de cherté de la vie, Il sait que les Français râlent, il sait qu’il vient demander aux députés un blanc-seing pour les 3 milliards de dons décidés par le Prince seul dans son coin. Alors, il dit que ce n’est rien comparé à ce que coûterait une défaite.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons réagir. C'est pourquoi le président de la République a appelé ces dernières semaines à un sursaut, un sursaut collectif pour aider l'Ukraine et pour éviter le scénario du pire. La Russie ne peut, ni ne doit gagner la guerre. Alors, dans un esprit de lucidité, en veillant à refuser toute escalade, nous prenons nos responsabilités.
La fin du discours revient sur les coups de menton de Macron, son « Il n’y a plus de ligne rouge ». Mais d’argument réel, on ne trouve pas. Le gouvernement français demande l’engagement de la représentation nationale en réécrivant très rapidement l’Histoire, en présentant des arguments infondés. Ne restent que des « risques » qui ne sont fondés sur aucun fait précis ni sur aucune doctrine russe à l’égard de l’Europe de l’Ouest. Fantasmes. Le dernier rapport d’analyse de la CIA sur la situation internationale date du 5 février 2024. Il est disponible en ligne figurez-vous !
https://www.dni.gov/files/ODNI/documents/assessments/ATA-2024-Unclassified-Report.pdf
Le premier pays dont il est question, c’est la Chine et pas la Russie, puis viennent l’Iran et la Corée du Nord : ce n’est donc pas un ordre alphabétique donc, mais bien un ordre de priorité de menace. Et pour la CIA, la Russie ne présente pas un danger d’extension du conflit. C’est page 23, je présente l’original en anglais puis une traduction. Sautez si vous voulez !
Russia’s war of aggression against Ukraine has resulted in enormous damage at home and abroad, but Russia remains a resilient and capable adversary across a wide range of domains and seeks to project and defend its interests globally and to undermine the United States and the West. Russia’s strengthening ties with China, Iran, and North Korea to bolster its defense production and economy are a major challenge for the West and partners. Russia will continue to pursue its interests in competitive and sometimes confrontational and provocative ways and press to influence other countries in the post– Soviet space to varying extents.
• Russia almost certainly does not want a direct military conflict with U.S. and NATO forces and will continue asymmetric activity below what it calculates to be the threshold of military conflict globally. President Vladimir Putin probably believes that Russia has blunted Ukrainian efforts to retake significant territory, that his approach to winning the war is paying off, and that Western and U.S. support to Ukraine is finite, particularly in light of the Israel–HAMAS war.
Traduction
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné d’énormes dégâts dans le pays et à l’étranger, mais la Russie reste un adversaire résilient et compétent dans un large éventail de domaines et cherche à projeter et défendre ses intérêts à l’échelle mondiale et saper les États-Unis et l’Occident. Le renforcement des liens avec la Russie avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord pour renforcer sa production et son économie de défense constituent un objectif majeur.
La Russie continuera de défendre ses intérêts dans un contexte concurrentiel et parfois de manière conflictuelle et provocatrice et faire pression pour influencer d’autres pays dans l’après–espace soviétique à des degrés divers.
• La Russie ne veut certainement pas d'un conflit militaire direct avec les forces américaines et de l'OTAN et poursuivra ses activités asymétriques en dessous de ce qu'il estime être le seuil d'intervention militaire.
Le président Vladimir Poutine estime probablement que la Russie a émoussé les efforts ukrainiens pour reprendre un territoire important, que son approche pour gagner la guerre porte ses fruits et que le soutien occidental et américain à l’Ukraine est limité, en particulier à la lumière de la politique israélienne, Guerre du Hamas.
En matière d’analyse de doctrine diplomatique, on peut faire confiance à ce que la CIA déclare, non ? Pour les USA, il n'y a pas de risque de voir Poutine chercher un conflit militaire avec l’OTAN. Il restera en dessous du « seuil d’intervention militaire ». Et pour Attal et Macrion, oui ? Mais sur quels faits précis ?
Attal fait un plein usage de ce Discours de la Peur qui a été largement utilisé pendant le Covid pour faire taire toute voix discordante d’une part, pour annihiler toute opposition politique d’autre part. Il a emporté une majorité à l’Assemblée. Sans arguments mais « logiquement » vu le type de chiffon rouge qu’il agite sous le nez des élus. Juste avant le vote, Attal a ajouté, emporté sans doute par son élan guerrier face aux opposants à l'accord. "Je préfère bomber le torse qu'être à plat ventre devant la Russie", a-t-il lancé. Attal bombant le torse à 6000 km de Moscou : pourquoi cette image me fait-elle rire ?
(https://www.europe1.fr/politique/guerre-en-ukraine-lassemblee-nationale-vote-largement-le-plan-de-soutien-de-la-france-a-kiev-4235514)
2. Macron : l’hôte et le néant argumentatif
Jeudi 14 mars, après avoir dû s’expliquer ici et là sur ses propos bellicistes, Macron s’invite sur TF1 pour un de ces exercices qu’il affectionne. On attend de lui qu’il nous dise pourquoi la France se pousse au premier rang, en ennemi désormais le plus déterminé à en découdre.
Je transcris pour la commodité mais cliquez et regardez le début, c’est édifiant de… légèreté !
https://twitter.com/i/status/1768502953210511569
Anne-Sophie Lap: Est-ce qu’on a bien compris ? Est-ce que vous envisagez d’envoyer des troupes occidentales, françaises, en Ukraine ?
Emmanuel Macron : Bonsoir et bienvenue. Vous êtes assis devant moi. Est-ce que vous êtes debout ? Non… Est-ce que vous excluez de vous lever, à la fin de cette interview ?.... Je suis sûr que vous n’allez pas l’exclure… (Anne-Sophie Lapix : On n’est pas sûr de le faire) Voilà.
On est au niveau zéro de l’argumentation, une sorte de démonstration par l’absurde. Sauf qu’il s’agit au final d’engager un pays dans la guerre. On croirait voir le Hitler de Chaplin jouer avec son gros planisphère en ballon gonflable ! Le Président oublie qu’il n’est que l’Hôte de l’Élysée, de passage, sur un malentendu et pour faire barrage au Front national, au cas où il l’aurait oublié. Il engage là durablement l’avenir de la France, de son économie (qu’il veut convertir en économie de guerre !9, de ses hommes, de ses familles, de ses enfants, de sa sécurité.
La suite des arguments de cette longue interview n’apporte rien de concret par rapport au discours d’Attal. L’intégralité est ici
https://youtu.be/W_7L6nwCdOE?si=YxT28234WjoivK5a
Mais en voici toute la substance, il n’y a aucun autre argument :
- La guerre en Ukraine est « existentielle pour notre Europe et pour la France »
- « Est-ce que vous pensez que les Polonais, les Lituaniens, les Estoniens, les Roumains, les Bulgares pourraient une seconde rester en paix ? Si la Russie gagne cette guerre, la crédibilité de l’Europe sera[i]t réduite à zéro ».
- « Si la Russie venait à gagner, la vie des Français changerait. Nous n’aurons plus de sécurité ».
Le 16 mars, Macron réitère dans un entretien au Parisien :
(https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/16/ukraine-emmanuel-macron-reaffirme-que-des-operations-sur-le-terrain-seront-peut-etre-necessaires_6222419_3210.html
Emmanuel Macron a réaffirmé, dans un entretien publié samedi 16 mars au soir par Le Parisien, que des opérations au sol en Ukraine par les Occidentaux seraient peut-être nécessaires. « Peut-être qu’à un moment donné – je ne le souhaite pas, n’en prendrai pas l’initiative – il faudra avoir des opérations sur le terrain, quelles qu’elles soient, pour contrer les forces russes », a-t-il déclaré dans cet entretien réalisé vendredi à son retour de Berlin, où il a rencontré les dirigeants allemand et polonais. « La force de la France, c’est que nous pouvons le faire », a-t-il ajouté.
Quel est l’argument cette fois ? Relisez la dernière phrase : on le ferait parce que… « nous pouvons le faire ».
Il déclare aussi que les Allemands ont plus de marge de manœuvre budgétaire (entendez : payer la guerre) et que nous nous avons les armes (entendez nucléaires, parce que pour le reste… La France produit par an 20000 obus : ce que tire l’Ukraine en… deux jours !). Alors comme nous « pouvons le faire », faisons-le. En première ligne ! « Les Boches paieront » disait-on après la première guerre mondiale pour un autre contexte, celui des réparations . Et nous, on fournira la chair à canons.
Enfin, pour lui, il ne faudrait pas avoir militairement peur de la Russie, du fait qu'elle pèse moins que le PIB européen. Rien à voir, hors sujet. On parle de puissance de feu nucléaire éventuellement et sur ce plan, il n’y a pas photo entre la Russie… et la France. Là, je dois dire que je ne vois pas bien la stratégie qui consiste à bomber le torse quand on n’a pas les moyens.
3. Propagande en marche
Pendant ce temps, les médias se sont mis en ordre de marche. C’est un concours de propos bellicistes.
La Dépêche interviewe un ancien militaire français, Guillaume Ancel :
https://www.ladepeche.fr/2024/03/16/entretien-guerre-en-ukraine-larmee-russe-a-t-elle-les-moyens-de-sen-prendre-a-leurope-si-on-lui-laisse-du-temps-oui-11828476.php
En l'état, la Russie n'a pas les moyens de ses ambitions?
S'il a trois ans, il peut revenir à un niveau très haut, mais là, non, il est incapable d'envahir toute l'Ukraine et encore moins de menacer d'autres pays occidentaux.
Il faut donc empêcher cette "pause stratégique" à tout prix selon vous ?
Impérativement ! Parce qu'entre-temps, je ne suis pas sûr que les Européens restent mobilisés. On sera incapable de poursuivre un effort de défense européen et c'est là-dessus que mise Poutine. C'est sûr que cette question met dans le pétrin la plupart des pays qui appellent à la paix. Personne n'a envie d'avoir une guerre, mais le problème c'est que si on accepte cette pause, c'est à notre détriment futur. C'est un pari risqué de se dire "on lui donne du temps et entre-temps il va se crasher".
La conséquence de ce genre de prise de position c’est que non seulement, il faut contrer Poutine en Ukraine, mais marcher sur Moscou serait la vraie option.
Hier sur France 5, l’émission En société de Karim Rissouli, 18h30-20h00 organisait un Spécial Russie. « Poutine, le dernier Tsar ? »
Le plateau réunissait deux « experts » : Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, historien, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), auteur de « La Part d’ombre » aux éditions Belles Lettres (03/02/2023) et Diana FILIPPOVA, essayiste, romancière, autrice de « De l'inconvénient d'être russe » aux éditions Albin Michel (01.09.23). Les deux étaient pro-guerre, définitivement, sans nuance. Il y a pourtant en France d’autres analyses possibles, d’autres voix, y compris à l’Assemblée. Mais on est entrés dans une information de guerre dans laquelle le débat, la confrontation des points de vue ne sont plus que l’exception. On organise le plateau en conséquence.
Pendant ce temps, la jeunesse française a peur :
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-les-craintes-de-la-jeunesse-francaise_6430342.html
Cela prouve au moins l’efficacité du discours de la peur d’Attal !
Je comprends la jeunesse, j’ai moi-même la trouille. Viscérale quand je vois la bêtise à front de taureau prêcher la guerre avec cette légèreté. Animale, parce que c’est la première fois que je vois nos politiques à nous, dans nos démocraties rapidement appelées libérales, jouer avec nos vies. Et en matière d’animal, j’ai pour l’instant plus peur des faucons français qui se multiplient et font peu de cas des vies des gens que de l’ours russe.
Comment ne pas penser, devant le vide de ces discours, que tout ceci est une opération de politique ?
Politique étrangère : regarder ailleurs qu’en Palestine où notre inaction et laisser-faire sont totaux, hormis quelques réprimandes de temps en temps.
Politique européenne : Macron répond ainsi aux critiques qui depuis le début disent que le France traine des pieds sur l’aide militaire.
Politique intérieure : Macron espère tourner la page de la crise agricole, de la crise de l’hôpital, de la crise économique (déficit public et inflation, appauvrissement dont une immense part tient à sa politique du « Quoi qu’il en coûte » Covid, puis des choix face à la Russie et lui sont directement imputables : pas de l’héritage).
Politique politicienne : pour refaire le retard sur le RN en vue des élections européennes, rien de tel qu’une bonne… menace de guerre. À défaut sans doute d’une guerre, mais on ne peut pas tout avoir !
Le niveau d’argument avancé par le chef de l’État et le Premier ministre pour « débattre » après coup d’un traité d’assistance à l’Ukraine déjà signé, publiquement, et de recevoir alors l’aval est-il celui de démocraties libérales ? Ou illibérales ?