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Analyses de la crise covid depuis 2020.. suivies d'autres considérations
Il n'y a pas d'impôt miracle... ? Il n'y a surtout pas de justice fiscale !
Le 31/10/2025
Article du 31 octobre 2025
Sébastien Lecornu vient d’obtenir à l’Assemblée nationale le rejet de la taxe Zucman en affirmant qu'« il n'y a pas d'impôt miracle ». Une déclaration qui sonne comme un aveu : en France, les vrais impôts miracles existent bel et bien. Pour le capital, les grandes fortunes, ce sont les impôts qui pèsent sur les plus modestes, pendant que les ultra-riches accumulent des fortunes stratosphériques.
Le pillage des élites : Madagascar – France.
Le 11/10/2025
Article du 11 octobre 2025
Ma carrière professionnelle m’a amené à travailler à Madagascar, un pays où la pauvreté était le lot commun de la population, peu alphabétisée, et au sein de laquelle peu de personnes avaient accès à des biens essentiels, eau courante, électricité. Madagascar est pourtant un pays qui regorge de ressources naturelles, avec une population très entreprenante, travailleuse, formée depuis des siècles à l’exigeante riziculture. Je me disais en y arrivant que ce pays ne pouvait que décoller. Ceux qui étaient là depuis quelques années me disaient avoir partagé ce sentiment optimiste. C’était à leur arrivée. Je suis parti trois ans après en laissant un pays qui se portait plus mal.
Quelle paix avec le plan Trump ?
Le 04/10/2025
Article du 4 octobre 2025
Je m’étais promis de ne plus revenir sur Israël-Palestine après mes cinq articles. Mais voilà que s’enthousiasment politiques et commentateurs parce que Trump et Netanyahou ont présenté un "nouveau plan de Paix" pour Gaza en 20 points. Et le Hamas, menacé avec le peuple palestinien « des feux de l’enfer » (dixit Trump) en cas de refus avant dimanche, vient d’accepter l’essentiel des conditions.
Affaire libyenne : décryptage d'une condamnation historique
Le 03/10/2025
Article du 3 octobre 2025
Le 25 septembre 2025, le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement sans précédent dans l'histoire de la République française. Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a été condamné à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs. Au-delà du caractère spectaculaire de cette décision, c'est toute la question de l'État de droit et de son respect qui se pose aujourd'hui.
Pourquoi adhérer à la vision israélienne met-il en danger la société française ?
Le 27/09/2025
Article du 27 septembre 2025
Jusqu’à une date très récente, la position des Européens et de la France a été de coller à la vision de Netanyahou, à ne voir que le choc des civilisations et à mettre de côté sa politique de colonisation par le vide, d’évacuation/élimination des Palestiniens. Dans son livre Solitude d’Israël, Bernard-Henri Lévy, fidèle à sa posture d'intellectuel en croisade, affirme sans détour qu'« Israël mène un combat qui devrait être celui de toutes les nations libres. » La formule est limpide : ne pas soutenir Israël, c'est trahir la liberté elle-même. Manuel Valls déclarait que "l'antisionisme, c'est l'antisémitisme réinventé".
Quand le pyromane joue les pompiers : Netanyahou, le Hamas et la stratégie du chaos… maîtrisé
Le 21/09/2025
Article du 21 septembre 2025
Dans son discours devant le Congrès américain le 24 juillet 2024, Benjamin Netanyahou déclarait avec emphase : « Nous devons éradiquer le Hamas ! » L'indignation morale, le poing levé, la détermination affichée... Un spectacle parfaitement rodé qui dissimule une réalité beaucoup plus gênante : pendant des décennies, Netanyahou a lui-même nourri, financé et encouragé cette organisation qu'il prétend aujourd'hui vouloir anéantir. Retour sur l'une des manipulations géopolitiques les plus cyniques de notre époque.
Ce que j’écris ici est bien connu de tous ceux qui s’intéressent depuis longtemps à cette région du monde. Mais qui les rappelle dans les médias français ?
Israël-Palestine : une colonisation par le vide au 21e siècle
Le 13/09/2025
Article du 13 septembre 2025
On peut être contre l’idéologie islamiste, condamner les crimes du Hamas du 7 octobre et vouloir le retour des otages dans leur pays, mais il est difficile de faire comme si le 7 octobre était un début et de faire comme si le Hamas naissait de rien. Sur le Hamas et ses rapports avec Netanyahou, je consacrerai un article : « Quand les extrémismes se renforcent ». En attendant, la livraison du jour est consacrée à un exposé de la lecture coloniale du conflit, alimentée par de nombreux faits. On verra que le colonialisme d’Israël relève d’un type particulier.
Le dernier fait marquant date d’hier. Netanyahou affirmait deux choses lors de la cérémonie de signature d’un important projet de colonisation à Maalé Adoumim en Cisjordanie occupée, juste à l’est de Jérusalem :
Nous allons tenir notre promesse : il n’y aura pas d’Etat palestinien, cet endroit nous appartient.
Cette expression est une des plus nettes de la nature coloniale de la guerre actuelle.
Cette colonialité n’est pas nouvelle : on montrera ici qu’elle est à l’œuvre dès l’émergence de l’idée d’un État d’Israël. En revanche, elle est d’un type très particulier, que je pourrais appeler « colonisation de (grand) remplacement » ou « colonisation par le vide ». J’exposerai de quoi il s’agit précisément car cet élément n’est pas toujours évident. Mais auparavant, et pour faire le lien avec le précédent article, je donne la parole à des voix qui, en Israël dénoncent ce projet et n’adhèrent pas à la vision du « Choc des civilisations ». Ces personnalités de premier plan mettent bien en avant le caractère colonisateur.
Ce nouvel article va d’abord faire quelques rappels de faits : d’actualité d’abord, historiques ensuite, en remontant dans le temps. Que les gens bien informés passent et aillent à la partie 4, qui porte sur l’analyse du type de colonialisme et sur l’imaginaire colonial qui se déploie.
1. Une critique juive du « choc des civilisations »
Des voix juives critiques refusent de voir dans le conflit des deux peuples un affrontement éternel entre « l’Occident » et « l’Islam ». L’historien Avi Shlaim l’explique dans El País :
Samuel Huntington… a affirmé que le conflit international n’est plus entre États mais entre civilisations. Civilisation judéo-chrétienne d’un côté, civilisation musulmane de l’autre… Je pense que c’est une notion très bête et superficielle. Ce conflit porte sur des choses réelles : deux peuples sur une même terre. Et le moteur de ce conflit, c’est le nationalisme. (El País, 23 octobre 2023).
Shlomo Sand (historien, Université de Tel-Aviv), connu pour Comment le peuple juif fut inventé (2008) critique fortement l’usage de l’histoire biblique ou religieuse pour justifier la politique israélienne. Pour lui, parler de « guerre des civilisations » masque un conflit national, colonial et territorial. Il est rejoint par Ilan Pappé (historien israélien, Université d’Exeter) qui a consacré plusieurs ouvrages à cette question, faisant partie de ceux que l’on appelle les « Nouveaux Historiens » israéliens. Pappé n’hésite pas à parler de nettoyage ethnique en 1948 (voir plus loin) et critique violemment la rhétorique civilisationnelle, qui selon lui sert à légitimer la dépossession des Palestiniens et à transformer une lutte politique en croisade morale.
La philosophe américaine Judith Butler (d’origine juive) critique aussi la rhétorique qui oppose le judaïsme/l’Occident à « l’islam barbare ». Pour elle, le « choc des civilisations » (cf. mon article précédent) est une construction politique qui trahit l’éthique juive de la cohabitation et rend impossible toute solution même pas à deux États mais… à deux peuples ! Cette idéologie n’a qu’une issue possible : l’élimination pure et simple de l’Autre, son éviction, évacuation, élimination. Un projet colonial d’un type très particulier !
Des voix politiques contre une guerre sans fin
Même au niveau politique, cette lecture a été contestée. Yitzhak Rabin (ancien premier ministre d’Israël, assassiné en 1995) rejetait explicitement l'idée d'un conflit religieux ou civilisationnel. Il parlait de sécurité mutuelle et de compromis politiques avec les Palestiniens, pas d'une guerre éternelle entre blocs culturels.
L'écrivain Amos Oz (1939-2018) défendait la solution à deux États et rejetait la vision d'un affrontement « civilisationnel ». Il parlait plutôt d'un conflit « tragiquement rationnel » entre deux peuples pour une même terre.
Plus récemment, Avraham Burg, ancien président de la Knesset, considérait que le discours du « choc des civilisations » était une stratégie de peur (cf. article récent ici-même sur ce mode de gouvernementalité) utilisée par les élites israéliennes pour justifier une politique sécuritaire permanente.
Le 4 août 2025, 550 personnalités du monde de la Défense israélienne regroupées en un mouvement des « Commandants pour la sécurité d’Israël » signaient une lettre ouverte à Donald Trump pour demander l’arrêt d’une guerre qui a « cessé d’être une guerre juste et conduit l’Etat d’Israël à perdre son identité ». https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/nous-avons-le-devoir-de-nous-lever-550-anciens-maitres-espions-et-generaux-israeliens-exhortent-a-arreter-la-guerre-a-gaza-20250804_CSIXPFTGDNB3XA4NH2YCKEYNGA/
Cette résistance intellectuelle juive au narratif civilisationnel montre qu'une autre lecture du conflit est possible, une lecture qui ne cache pas les enjeux territoriaux et coloniaux derrière des considérations culturelles.
2. La réalité coloniale actuelle
Commençons par l’actualité, nous remonterons ensuite dans le temps jusqu’aux origines du projet. Pour bien comprendre la nature actuelle du fait colonial, mieux vaut regarder la Cisjordanie (et Jérusalem-Est) que Gaza, même si cette dernière est sous les feux de l’actualité.
En 1948, le plan de partition de l’ONU en deux États, conçu pour permettre l’existence d’un État israélien, prévoyait la répartition suivante :
On voit déjà inscrite sur cette carte l’impossibilité d’un État palestinien qui, dès le départ, n’a aucune continuité territoriale. Passons sur les stades intermédiaires, sur lesquels je reviendrai dans la prochaine partie et concentrons-nous sur ce qu’est devenue la grosse tache centrale, la Cisjordanie et Jérusalem (devant être sous mandat international, dans une neutralité). Cette partie est en jaune et vert sur la carte suivante.
https://www.monde-diplomatique.fr/IMG/png/8401v2.png
Jérusalem a été annexée par Israël, contre le droit international. En 2000, les derniers accords d’Oslo, censés garantir une viabilité à un futur État palestinien, découpaient la Cisjordanie en 3 zones :
- Zone A (vert moyen) : 18% de la Cisjordanie sont sous contrôle palestinien
- Zone B (vert clair) : 22% de la Cisjordanie sont sous contrôle civil palestinien, mais sous contrôle militaire israélien
- Zone C (jaune) : 60% sont sous contrôle israélien total
Israël contrôle donc directement ou indirectement 82% de la Palestine historique. Le territoire est morcelé par plus de 600 checkpoints et barrages routiers. Les permis de circulation sont obligatoires, et l'accès à Jérusalem et aux zones agricoles est restreint. Les zones palestiniennes sont fragmentées et l’accès aux ressources naturelles est limité (eau, terres agricoles).
Dans les territoires de la zone C sous total contrôle israélien, la colonisation se poursuit de manière illégale au regard du droit international, avec de nouvelles populations juives qui s’installent (en rouge sur la carte et en orange). Cette colonisation de peuplement croissante encercle les territoires verts et atteint aussi des territoires de la zone A, autour des villes (Hebron notamment) et villages palestiniens.
Alors que l'Autorité palestinienne (AP) ne gouverne que Gaza et les grandes villes palestiniennes, Israël conserve le contrôle quasi exclusif de 60 % de la Cisjordanie (connue sous le nom de zone C) où il préside à l'application de la loi, à la planification et à la construction.
En Cisjordanie, on estime à 700 000 le nombre de Juifs vivant dans plus de 130 colonies, sans compter Jérusalem-Est, et à trois millions le nombre de Palestiniens qui y vivent, pour la plupart séparés des communautés juives. Un récent rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme révèle qu'entre novembre 2022 et octobre 2023, environ 24 300 unités de logement au sein des colonies israéliennes ont été avancées ou approuvées en zone C. Il s'agit du chiffre le plus élevé jamais enregistré.
La violence d'État encouragée
De 700 000, les colons doivent dépasser le million aussi rapidement que possible, annonçait le ministre Smotrich le 12 juillet 2023. Israël a officialisé cette violation en inscrivant dans sa loi fondamentale de 2018 le développement des colonies juives comme une valeur de base de la société israélienne.
Certains choisissent de s'installer dans les colonies parce que les subventions du gouvernement israélien rendent le logement moins cher, ce qui leur permet d'avoir une meilleure qualité de vie. D'autres s'y installent pour vivre dans des communautés strictement religieuses et pensent que, d'après leur interprétation de la Bible hébraïque, Dieu leur a donné l'autorisation de s'y installer. Un tiers des communautés de colons sont ultra-orthodoxes. Ces communautés ont souvent des familles nombreuses et tendent à être plus pauvres, de sorte que la qualité de vie est un facteur important ici aussi. Mais certaines communautés croient à la colonisation en tant qu'idéologie, estimant qu'elles ont le droit de vivre là car elles pensent qu'il s'agit d'un territoire juif ancestral.
Les colons y exercent assez librement leur violence contre les Palestiniens, encouragés par l'État. Le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben-Gvir annonce la distribution prochaine de 10 000 armes aux volontaires israéliens dans les villes frontalières. En août 2025, même les États-Unis ont demandé que soient imposées des sanctions au groupe de colons israéliens Hashomer Yosh, accusé d'avoir clôturé le village palestinien de Khirbet Zanuta, empêchant ses habitants déplacés de rentrer chez eux.
Un article de Radio France témoigne:
C'est en allant constater les dégâts sur les oliviers de Brahim Hamaiel, agriculteur palestinien, que la journaliste de la BBC Lucy Williamson voit s'approcher une douzaine d'hommes masqués armés de bâtons, dévalant une colline et arrivant dans leur direction. Une attaque "soudaine et injustifiée", constate la reporter.
Les Chrétiens palestiniens sont soumis aux mêmes pressions, preuve que la religion a peu à voir avec la colonisation (https://fr.aleteia.org/2025/09/02/cisjordanie-victoire-pour-une-famille-chretienne-face-aux-colons-israeliens/?fbclid=IwY2xjawMpQuRleHRuA2FlbQIxMQABHsfj-r4Ux14TxS_pUkJPANOrZixKoqEO4Y06UShOMrsVXGdaFnIsdWI6YMO7_aem_YNWj8rbSUEvFm81yAD3dLQ) :
C'est une victoire d'autant plus savoureuse qu'elle est rare : le 10 juin, une famille chrétienne palestinienne a obtenu gain de cause face à des colons israéliens qui occupaient ses terres dans la vallée d’Al-Makhrour à proximité de Bethléem, rapporte Terre sainte Magazine. La décision de justice rendue par la Cour Suprême israélienne consacre les droits de la famille Kisiya sur cinq parcelles illégalement occupées par des Israéliens. Ce jugement met fin à treize années de lutte et d'acharnement. Leurs terres, rapporte Terre sainte, se trouvent en zone C de la Cisjordanie occupée, sous contrôle militaire israélien, qui leur refuse alors tout permis de construire.
En août 2025 est dévoilé un plan de nouvelles colonies dans la bande de Jérusalem-Est, baptisé E1. https://www.franceinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-au-proche-orient-on-vous-explique-ce-qu-est-le-projet-polemique-de-colonie-israelienne-e1-qui-couperait-la-cisjordanie-en-deux_7443151.html
Si ce projet, soutenu par le gouvernement Netanyahou, aboutit, la construction de plusieurs milliers de logements illégaux va créer une ligne contiguë de colonies juives, depuis le centre du territoire occupé jusqu'à Jérusalem. La Cisjordanie sera littéralement coupée en deux à l’est de Jérusalem. L’Europe et l’ONU ont condamné le projet, mais sans effet.
Pour Gaza, l’issue envisagée par les Israéliens et leurs alliés américains est… l’évacuation de la population gazaouie. Les États-Unis, sous l’administration de Donald Trump, semblent pencher pour le plan israélien “GREAT Trust” : reconstruire Gaza après avoir supprimé l'influence de Hamas, avec la transformation de l’enclave en quelque chose de très redéveloppé (“smart cities”, structures modernes, tourisme). Le concept de départ “volontaire” est central dans les propositions US : soit aller à l’étranger, soit rester dans des zones sécurisées pendant la reconstruction. Mais “volontaire” est fortement contesté, vu le régime auquel sont soumis les habitants. https://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/artc-un-plan-americain-propose-le-depart-volontaire-des-gazaouis-et-la-reconstruction-du-territoire-media
Alors, conflit de civilisation ou guerre coloniale ?
3. Un peu d’Histoire
Cette colonisation est-elle née d’une volonté (récente) d’Israël d’assurer sa sécurité ? Est-elle le fruit de la nécessité ? Ou relève-t-elle d’une vision du monde ? Le regard historique montre qu’elle est le moteur du projet d’un État israélien, depuis ses origines. L’idée de la création de l’État d’Israël est bien antérieure aux atrocités de la Deuxième Guerre mondiale. On va le voir.
3.1. Les étapes de la colonisation
L'idée d'un retour juif en Palestine naît dans l'Europe du XIXe siècle, dans la communauté ashkénaze marquée par l'antisémitisme croissant et les pogroms en Europe de l'Est. En 1896, Theodor Herzl publie L'État des Juifs après l'affaire Dreyfus, et en 1897 se tient le Premier Congrès sioniste mondial à Bâle, formulant le projet de "créer pour le peuple juif un foyer en Palestine garanti par le droit public".
Les premières vagues d'immigration (Aliyot) remontent aux années 1882-1914. La première Aliyah (1882-1903) voit arriver 25 000 immigrants juifs principalement de Russie et Roumanie et la création des premiers villages agricoles : Rishon LeZion, Zikhron Ya'akov. Le financement vient du Baron Edmond de Rothschild. À cette époque, la population arabe palestinienne est d’environ 500 000 habitants. La Deuxième Aliyah (1904-1914) concerne 40 000 nouveaux immigrants, principalement socialistes. C’est l’époque de la création du premier kibboutz (Degania, 1909), de la fondation de Tel Aviv (1909) et du développement de l'hébreu moderne. C’est aussi le temps des premières tensions avec la population arabe.
Dans une lettre privée, le ministre britannique des Affaires étrangères Arthur Balfour écrit en 1917 à Lord Rothschild :
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif...
L’intérêt britannique est stratégique. Dans le contexte de la Première Guerre mondiale, il s’agit de travailler au démembrement de l'Empire ottoman (Turquie, dont la Palestine relève), de contrôler les routes vers l'Inde et de s’assurer le soutien des juifs américains et russes. À la fin de la Première Guerre mondiale, la Palestine est placée par la Société des Nations sous administration (« mandat ») britannique (1920-1948).
La Déclaration Balfour de 1917 est intégrée dans le texte du mandat de 1920, ce qui constitue une véritable feuille de route pour la colonisation. Alors qu’officiellement, la politique britannique est celle du « double engagement » envers Juifs et Arabes, pendant ce mandat s’opère une immigration massive en trois vagues :
- Troisième Aliyah (1919-1923) : 35 000 personnes
- Quatrième Aliyah (1924-1929) : 80 000 personnes
- Cinquième Aliyah (1929-1939) : 250 000 personnes (fuite du nazisme)
En parallèle se développent des infrastructures sionistes, comme l’Histadrout (1920), le syndicat général des travailleurs, et la Haganah, une organisation militaire de défense. Le Jewish National Fund commence déjà une politique d’achat systématique de terres.
Plusieurs émeutes arabes marquent la montée de la tension, aboutissant à la Grande révolte arabe (1936-1939), avec grève générale et insurrection armée
L’évolution démographique est le plus clair signe de la politique de colonisation :
- 1918 : 56 000 juifs, 644 000 Arabes palestiniens
- 1931 : 175 000 juifs, 761 000 Arabes
- 1947 : 630 000 juifs, 1 310 000 Arabes
L’État d'Israël est créé par un plan de partage de l'ONU (29 novembre 1947). La fameuse Résolution 181 opère une partition très inégalitaire en deux États :
- 56% du territoire vont à l'État juif (33% de la population)
- 44% à l'État arabe (67% de la population)
- Jérusalem est placé sous administration internationale
Dès 1948, Israël proclame son indépendance (14 mai), ce qui déclenche une Guerre avec les pays arabes voisins. Le Plan Dalet vise la conquête de territoires au-delà de la partition. Cet épisode est appelé Nakba ("Catastrophe") : c’est l’exode de 750 000 Palestiniens, vers la Jordanie et d’autres pays arabes voisins.
A la fin du conflit, Israël contrôle 78% de la Palestine historique. La Cisjordanie est annexée par la Jordanie, Gaza est sous administration égyptienne et 531 villages palestiniens ont été détruits ou vidés de leur population.
La Guerre des Six Jours (juin 1967) a pour résultat l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem-Est et du Golan. Par sa Résolution 242 du Conseil de sécurité, l’ONU demande le retrait des territoires occupés. Israël entame sa politique de colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
En 1987, 65 000 colons israéliens sont en Cisjordanie. En 2000, 200 000 colons et en 2023, plus de 700 000 colons (Cisjordanie et Jérusalem-Est).
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Période |
Événements clés |
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Fin XIXᵉ / début XXᵉ |
Naissance du sionisme moderne : Herzl, Hess (théoriciens), premiers mouvements d’implantation agricole. Acquisitions foncières, visions idéologiques. |
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Mandat britannique (1920-1948) |
Immigration juive, tensions avec population arabe, premières révoltes, politique de terreurs, bousculements démographiques. |
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1948 |
Nakba : exode palestinien, dévastation, perte de territoire. Création de l’État d’Israël sur une partie du mandat britannique sur la Palestine. |
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1967 |
Guerre des Six Jours : Israël occupe la Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza, le Golan, le Sinaï. Début d’une occupation durable. |
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1970-2000 |
Colonies se multiplient dans les territoires occupés. Lois de plus en plus permissives pour les colons. Première Intifada, etc. |
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Accords d’Oslo (1993-1995) |
Espoirs de partition, de reconnaissance mutuelle, de solution à deux États. Mais les Accords laissent le contrôle réel dans certaines zones (Zone C) à Israël, ce qui permet à la colonisation de continuer. |
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Depuis 2000 |
Expansion accélérée des colonies, démolitions, annexions de fait (notamment Jérusalem-Est), fragmentation de la Cisjordanie en enclaves, politique d’« faits accomplis » spatiaux et juridiques. |
3.2. Ancienneté de l’idéologie coloniale
Je me sers d’un article scientifique (2016) de Michaël Séguin pour analyser la dimension coloniale du projet israélien. La source originale est ici. https://journals.openedition.org/chrhc/5192#text.
3.2.1. Arguments des fondateurs sionistes
L'article montre que les fondateurs du sionisme, au 19ème siècle, décrivaient ouvertement leur projet en termes coloniaux. Moses Hess parlait d'amener « la civilisation chez les peuples inexpérimentés encore » et de porter « les lumières d'Europe ». Un autre fondateur, Theodor Herzl voyait les Juifs comme « un élément d'un mur contre l'Asie, ainsi que l'avant-poste de la civilisation contre la barbarie » et écrivait dans son journal intime qu'il faudrait « essayer de faire disparaître la population sans le sou de l'autre côté de la frontière ».
Ces arguments sont révélateurs de ce qu’est l’imaginaire colonial : à sa racine se trouve un sentiment de supériorité d’un peuple par rapport à un autre, le premier pouvant disposer du second à sa guise, le plus souvent en disant que c’est dans l’intérêt de ce dernier. Nous reviendrons plus loin sur cet imaginaire colonial qui ne fait pas de place à l’autre composante, palestinienne.
3.2.2. La critique par les Arabes
L’article de Séguin cite des historiens et politiques du monde arabe qui dénoncent les conséquences de ce projet colonial dès la fin du 19e siècle. Youssouf Diya'al-Khalidi alertait dès 1899 : « L'argent juif ne sera pas en mesure d'acheter la Palestine. Elle ne peut être prise que par la force des canons et des navires de guerre ». Negib Azoury identifiait en 1905 deux mouvements opposés, « le réveil de la nation arabe et l'effort latent des Juifs pour reconstruire sur une très large échelle l'ancienne monarchie d'Israël », prédisant qu'ils seraient « destinés à se combattre continuellement ». 125 ans après, l’Histoire lui donne raison.
Plus récemment, Séguin évoque Fayez Sayegh, fondateur du Centre de recherche de l’Organisation de libération de la Palestine, qui identifiait dans les années 1970 deux particularités du colonialisme sioniste tel qu’il se manifestait depuis 1948 : celui-ci visait la substitution aux autochtones plutôt que leur exploitation et recherchait la nécessité du soutien d'une puissance impériale. Ce fut le Royaume-Uni d’abord, rejoint ensuite par les États-Unis d’Amérique. Pour lui, la colonisation était « l'instrument de la construction d'une nation et non l'émanation d'un nationalisme déjà constitué ». Sayegh dénonçait donc il y a cinquante ans le triple caractère raciste, violent et expansionniste du sionisme : raciste par l'autoségrégation basée sur les liens du sang, violent par l'usage de la terreur en 1948, et expansionniste car « l'objectif suprême du sionisme a été et reste toujours la création d'un État qui englobe toute la Palestine, entièrement débarrassée des Arabes ».
3.2.3. La critique juive dissidente
Dans un numéro des Temps modernes consacré au conflit israélo-arabe, paru en juillet 1967, Jean-Paul Sartre et son équipe rassemblèrent une quarantaine de contributeurs juifs et arabes. L’article de Maxime Rodinson (spécialiste du Monde arabe) fut sans doute celui qui fit le plus grand bruit : un Juif français, rompant les rangs, posait une question interdite : « Israël, fait colonial ? ». Loin du registre belliqueux, Rodinson adoptait une ligne argumentative similaire à plusieurs des contributeurs arabes de ce numéro. À partir d’une relecture de l’histoire sioniste, il démontrait que « la formation de l’état d’Israël sur la terre palestinienne était l’aboutissement d’un processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des xixe et xxe siècles pour peupler ou dominer économiquement et politiquement les autres terres ». Le sionisme était donc pour lui un produit de son époque et de sa région d’origine : l’Europe orientale.
Cette ligne argumentative, loin d’être propre à M. Rodinson, est aussi partagée par un groupe israélien antisioniste et anti-impérialiste fondé en 1962 : l’Organisation socialiste israélienne (en hébreu, Matzpen). En introduction d’un collectif intitulé The Other Israel, paru en 1972, Arie Bober écrivait :
Loin d’offrir un refuge pour les Juifs persécutés du monde, l’État sioniste mène les nouveaux immigrants comme les anciens colons [settlers] vers un nouvel holocauste en les mobilisant dans une entreprise coloniale et une armée contre-révolutionnaire contre la lutte des masses arabes pour la libération nationale et l’émancipation sociale.
4. De quoi est faite l’idéologie coloniale israélienne ?
Cette idéologie coloniale particulière repose sur deux piliers : inégalité fondamentale des populations et justification religieuse.
4.1. Inégalité des populations
Le retour aux premières justifications du sionisme montre le fonds commun avec les discours qui circulaient en Europe pour aller occuper les terres africaines et asiatiques « disponibles » : c’était la mission de civilisation reposant sur l’idée d’une inégalité humaine fondamentale entre des peuples aux stades de développement différents. Les mêmes formules se retrouvent chez Hess évoquant les Arabes et chez Jules Ferry parlant des noirs d’Afrique !
Cette inégalité a été abondamment mise en scène pendant les années de construction d’Israël, avec les reportages des médias occidentaux émerveillés par ces colons des kibboutz, qui faisaient verdir le « désert », là où les Arabes n’étaient bons qu’à pousser devant eux des moutons sur des terres arides… La preuve était là. On fermait les yeux sur les transferts massifs de capitaux et sur les expropriations, on s’ébahissait devant le mirage communautaire, la foi qui déplaçait les montagnes.
Aujourd’hui, elle se pare des accents du Conflit de civilisation. L’autre est devenu un barbare, il est nié dans son humanité. Voici un petit florilège…
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Auteur / fonction |
Citation |
Contexte / Source |
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Eli Ben-Dahan, député / ancien vice-ministre de la Défense |
« To me, they [les Palestiniens] are like animals, they aren’t human. » |
Déclaration en 2013 lors d’une interview radio, au sujet de la reprise des négociations de paix. |
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Dan Gillerman, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU |
« les Palestiniens sont des “inhuman animals” (animaux inhumains horribles) » |
Interview télévisée sur Sky News après des questions sur le blocus de Gaza. |
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Yoav Gallant, ministre de la Défense |
« We are fighting human animals and we are acting accordingly » |
En oct. 2023, lors de l’annonce d’un siège complet de Gaza (pas d’électricité, pas d’eau, etc.). |
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Bezalel Smotrich, ministre des Finances (extrême droite) |
« There are no Palestinians, because there isn’t a Palestinian people » et « Il n’y a pas de nation palestinienne. Il n’y a pas d’histoire palestinienne. Il n’y a pas de langue palestinienne. » |
Déclaration faite en mars 2023, à Paris. PNN English+1 |
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Bezalel Smotrich (encore) |
« No half jobs; Rafah, Deir al-Balah, and Khan Younis – utter destruction. » |
Appel à la destruction totale de ces villes de Gaza, avril 2024. |
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Ministre des Affaires étrangères Eli Cohen |
« If you will see the movies you will not call the Hamas animals, it’s a compliment to call them animals; they are monsters. » |
Devant des députés européens, comparant les militants de Hamas à des monstres, après les attaques du 7 octobre. |
4.2. Justification religieuse
Le deuxième pilier idéologique de la colonisation est religieux : la terre de Palestine est terre d’Israël donnée par Dieu à son peuple et les Arabes sont des occupants sans droit. C’est ce que dit Netanyahou hier, 11 septembre 2025, en parlant du projet de colonisation E1 : « Cet endroit nous appartient. » Du point de vue du discours, les colonisateurs n’utilisent pas le mot Cisjordanie : ils ne parlent que de Judée-Samarie, un mot renvoyant aux temps bibliques, à cette terre… promise. Due. Enfin récupérée.
4.3. L’imaginaire colonial et le type de colonisation
Dans l’Histoire des peuples et de leurs rapports, il me semble pouvoir distinguer quatre types de colonisation.
a. Celle qui a concerné des terres sans occupation humaine préalable : ce fut le cas des îles de l’océan Indien comme Maurice et la Réunion. Les Français et les Anglais les ont colonisées par quelques apports de population venues des métropoles. Mais comme elles étaient en nombre insuffisant et les conditions de vie difficiles, les colons ont eu recours à l’esclavage, fruit de la traite. Colonisation et exploitation humaine par importation de populations non autochtones. Avec les souffrances afférentes.
b. Celle qui a concerné des terres occupées par des populations qui ont été soumises afin de procéder à leur exploitation. Ce fut le cas, massif des colonisations françaises et anglaises, en transformant la population autochtone en une « main d’œuvre indigène ».
c. Le modèle romain a été une variante de ce second type : les populations gauloises, germaniques, ibères, ont été « administrées » en gardant leurs coutumes et en étant traitées à égalité, pouvant accéder aux plus hautes fonctions dans l’Empire : un modèle très intégrateur. Les Romains, volontiers syncrétiques, intégraient dans leur propre religion, très ouverte, des divinités des populations soumises.
d. Le quatrième et dernier type de colonisation a consisté à éliminer la population indigène, à la réduire à portion congrue, jusqu’à son extinction ou sa marginalisation totale. Ce fut le modèle nord-américain contre les natifs dits Indiens. Élimination physique par la guerre, cantonnement à des espaces réduits (réserves), marginalisation sociale avec les conséquences sur la santé physique et mentale de ces populations. Ce type de colonisation s’est combiné avec le second : il a fallu importer des esclaves, les populations autochtones étant exclues de la mise en valeur du pays.
Dans ce paysage, que dire de la politique de colonisation mise en place par Israël ?
Elle relève du quatrième type. La population autochtone, déclarée fondamentalement autre et non humaine, est à réduire, à enfermer, à éliminer. La déclaration de Theodor Herzl fin 19e (« essayer de faire disparaître la population sans le sou de l'autre côté de la frontière »), envisageait déjà le départ des Arabes… ailleurs. En 2025, a été évoquée plusieurs fois l’idée de faire de Gaza une Riviera vidée de ses Gazaouis actuels. En septembre, Trump dévoilait le projet Great Trust conçu par Fondation humanitaire de Gaza (GHF) l'organisation privée soutenue par Israël et les États-Unis, et chargée de distribuer l’aide alimentaire. Gaza passerait sous la tutelle d’un organisme américain baptisé "GREAT Trust" ( !) (pour "Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation Trust") pour une durée minimale de dix ans, avant un transfert du pouvoir à une entité palestinienne "déradicalisée". Israël conserverait des prérogatives sécuritaires, avec le soutien de sociétés militaires privées "occidentales" et de "ressortissants de pays tiers", avant une transition progressive vers une "police locale".
Sur ce fond idéologique, à quoi sert-il de discuter si le sort fait aux Arabes est un « génocide » ou seulement un « crime de guerre » ? Les mots sont importants certes, mais ils sont parfois une perte de temps si le débat détourne les yeux de la réalité du projet colonial.
L’imaginaire colonial israélien me semble pouvoir être analysé de la sorte :
- au départ, un sentiment de supériorité (civilisationnel, économique, technique) combiné avec un sentiment religieux (Peuple élu, Terre promise) justifie le projet colonial ; pour l’alimenter, il est utile de nier le passé, notamment la civilisation judéo-arabe et les expériences de vie commune dans plusieurs espaces géographiques ;
- le projet colonial engendre des réactions de résistance (Grèves, intifadas, terrorisme, dont le dernier exemple est dans les massacres du 7 octobre et la prise d’otage) ;
- ces réactions de résistance au projet colonial engendrent dans la population israélienne un deuxième sentiment, plus puissant que la supériorité : le sentiment de peur de l’Autre ; cette peur repose sur des faits et s’alimente à chaque nouvel épisode ;
- ce sentiment de peur est instrumentalisé par le gouvernement ; il sert à la poursuite du projet colonial ;
- le Pouvoir colonial construit l’Autre arabe comme radicalement différent (animal, barbare) et pouvant (devant ?) être éliminé physiquement (éloigné ou tué) pour garantir les conditions « normales » de vie au peuple israélien. Il joue alors sur un nouveau sentiment : la haine.
Ce processus colonial supposant l’élimination de l’Autre, et non la vie avec lui, ne peut avoir d’issue positive. Ni pour ceux qui en sont les victimes, ni pour le peuple qui l’impose et dont l’identité s’en trouve marquée à jamais. L’islamisme du Hamas a sa part dans le 7 octobre, mais le Hamas fleurit sur le terreau du colonialisme. Tout processus de colonisation porte en lui une violence qui fait naître un sentiment de haine chez le colonisé et qui nourrit la violence de ce dernier : un cycle infernal qui ne s’est démenti nulle part dans l’Histoire. En 2024, 82700 citoyens israéliens ont quitté le pays, ne pouvant pas endosser une politique qu’ils désapprouvent et inquiets pour leur sécurité dans l’avenir. Ce sont les chiffres du Bureau central des statistiques israélien (https://www.nouvelobs.com/monde/20250722.OBS106122/je-pars-parce-que-je-veux-vivre-de-plus-en-plus-d-israeliens-quittent-leur-pays-depuis-le-7-octobre.html).
Que les USA soient complices de ce projet colonial du 20e et 21e siècle n’est pas fondamentalement surprenant : il est inscrit dans la Naissance de leur nation, pour reprendre le titre du film de Griffith. Que les Européens, qui ont développé les projets coloniaux depuis le 15e siècle soient aveugles, devant cette réalité et préfèrent y voir un Conflit de civilisation n’est finalement pas plus surprenant. Même si leur aveuglement est coupable. Ils (On) ne pourra pas dire : « On ne savait pas ! ».
La "civilisation judéo-chrétienne" : déconstruction d'un mythe politique moderne
Le 06/09/2025
Article du 6 septembre 2025
Dans le débat sur Israël-Palestine, l'argument de la défense d'une supposée "civilisation judéo-chrétienne" revient régulièrement pour justifier un alignement occidental inconditionnel sur les positions israéliennes. En septembre dernier, sur LCI, Bruno Retailleau affirmait : « Notre culture est judéo-chrétienne ». Quelques mois après, sur la même chaîne, Benyamin Netanyahou s’exclamait : « Notre victoire, c’est votre victoire ! C’est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie. C’est la victoire de la France ! ».
Le « Choc des Civilisations » : quand Israël écrit l'histoire de son conflit avec la Palestine
Le 03/09/2025
Article du 3 septembre 2025
Attention sujet brûlant, sujet clivant. Du type de sujet qui vous fait perdre un lecteur sur deux. Mais je ne suis pas influenceur, mon site n'a aucune publicité, aucune autre voie de transmission que le bouche à oreille. Mais en août, la barre des 2000 visites mensuelles a été franchie avec plus de deux articles consultés en moyenne par visite, alors que j'écris en direct à une quarantaine de personnes. On va bien voir si je perds la moitié des lecteurs, visiteurs et curieux. Mais le sujet est trop important pour ne pas en parler.
Connaissez-vous le Doggerland ? Quand « j’utilise » une IA pour écrire un article de blog…
Le 30/08/2025
Article du 30 août 2025
Ce matin, dans ma revue de presse matinale, je tombe sur un article concernant le Doggerland, mais sans le nommer.
Gouverner par la peur : quand le spectre du danger supplante le réel
Le 29/08/2025
Article du 29 août 2025
Mon livre La démocratie globalitaire. Gouverner par la Peur est entre les mains d’un éditeur, j’espère que son avis sera favorable et qu’il sera disponible en librairie dans quelques mois. J’y détaille les mécanismes et ressorts dont le Pouvoir use particulièrement depuis le Covid dans ses relations avec le Peuple pour faire de la Peur l’émotion principale (avec la Culpabilité et parfois la Haine de ceux qui sont désignés comme entretenant la Peur) qui inspire une politique qui touche l’ensemble de nos vies.
Quand Washington dicte la loi : du tarif douanier à la bombe bunker-buster
Le 23/08/2025
Article du 23 août 2025
Il est une constante de la politique étrangère américaine : les États-Unis se meuvent sur la scène internationale comme s’il n’existait d’autre limite que celles qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Cette logique de puissance n’a rien d’un slogan : elle se vérifie autant dans le domaine économique que militaire, et l’Europe en est aujourd’hui le témoin désabusé.
Mathématiques élémentaires et augmentation du CO2 dans l’atmosphère.
Le 26/07/2025
Article du 26 juillet 2025
Au départ, je ne suis pas plus climato-sceptique que je ne suis antivax ! J’ai tous mes vaccins et quand je vivais en Afrique j’en avais aussi quelques-uns non obligatoire.
Climat, discours de la peur et contrôle social
Le 24/07/2025
Article du 24 juillet 2025
Je suis en train de terminer la rédaction de La démocratie globalitaire. Gouverner par la Peur. Cet ouvrage, je l’ai déjà rédigé au printemps 2024, mais il était sous une forme extrêmement longue en 750 000 caractères et j’en ai fait une version abrégée de 260 000 signes. Autant dire que si l’ouvrage sort dans les prochains mois, il va en rester la substantifique moëlle, l’essentiel de la thèse. C’est un exercice intéressant finalement que de se demander ce qui est essentiel dans ce que l’on voulait dire, de fondamental, et d’accepter de sacrifier tout le reste, alors qu’on l’a déjà rédigé !
Du Von der Leyen-gate aux Pfizer papers : scandales politico-sanitaires
Le 12/07/2025
Article du 12 août 2025
Retour aux sources. J’ai commencé ce blog avec le Covid et la manière dont politiques, médias et médecins médiatiques construisaient un récit de la peur, à partir de faits bien réels mais intégrés dans un ensemble à trois propositions dont deux se sont très vite avérées fausses.
Le 28/06/2025
Article du 28 juin 2025
Je pensais avoir achevé mon tour d’horizon politique mais l’actualité me fournit un très bel exemplaire de ce sociétal dans laquelle la gauche se perd et perd son électorat, plutôt que se positionner sur le terrain du social. L’exemple est fourni par Jean-Luc Mélenchon, dans une déclaration du 18 juin 2025 lors d’un colloque sur la francophonie à l’Assemblée nationale, organisé par le député France insoumise Aurélien Taché. J’espère que cet appel du 18 juin sera moins suivi que le précédent !
Le 10/06/2025
Article du 10 juin 2025
Je termine mon tour d’horizon politique en revenant à mon point de départ. Je parlais tout au début de mes propres interrogations, de ma surprise à me trouver parfois d’accord avec des positions exprimées par des politiciens situés à droite de l’échiquier politique et en désaccord avec celles mises en avant par des personnes appartenant à ma « famille » politique.
Le 25/05/2025
Article du 25 mai 2025
Après avoir fait le tour de l’identité de la gauche et de la droite dans l’Histoire et sur ce que cela recouvre aujourd’hui depuis la distinction entre social et sociétal, je voudrais montrer comment la configuration actuelle de l’espace politique français tend à délégitimer et à disqualifier tous les partis qui posent des questions sociales de nature à remettre en cause l’exploitation capitaliste et ses conséquences, auxquelles j’ai consacré un article : explosion des inégalités qui sape l’idée même de démocratie, système prédateur qui repose sur l’exploitation croissante des travailleurs et le pillage des ressources naturelles.
Gauche-droite, la grande confusion, suite et presque fin !
Le 18/05/2025
Article du 18 mai 2025
Voici l’avant-dernière étape de la réflexion, le retour au début, à la question initiale. C’est quoi être de gauche et être de droite aujourd’hui en France ?
Je vais d’abord répondre à cette question en me mettant dans les pas de Jean-Claude Michéa, philosophe français critique de la modernité libérale : ceux et celles qui connaissent sa pensée me pardonneront des redites… ou me seront reconnaissants de ma tentative pour mettre à disposition une pensée riche mais touffue et rédigée dans un style assez personnel, pas toujours simple. Pour les autres, bonne découverte !
Le communisme… mais des riches ! La lutte des classes existe bel et bien
Le 01/05/2025
Article du 1er mai 2025
J’emprunte une partie de mon titre aux travaux sur la sociologie des riches de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot : les plus aisés, encore moins que les 1% en fait, ont un fonctionnement de mise en commun pour défendre les intérêts de leur classe/caste. Communisme…
Les classes dominées, exploitées, la France d’en bas comme disait J.-P. Raffarin, les sans-dents comme disait avec beaucoup d’élégance notre Président « socialiste » F. Hollande, les gens qui ne sont rien (Macron, 2017) n’ont plus les repères politiques pour se penser comme classe nombreuse et donc puissante et sont incapables de faire valoir ses intérêts.
Là où cela devient un problème démocratique réel, c’est quand les partis politiques censés les représenter, voire les défendre, ne produisent plus de discours politique à même d’analyser ce qu’elles vivent et de faire des propositions pour changer la donne politique. L’effondrement du parti communiste dans les années 1980-1990, l’adhésion à la politique (néo)libérale du parti socialiste ont laissé un vide politique que LFI a semblé pouvoir combler un temps (entre 2017 et 2022) et qui semble avoir été une occasion perdue. Je reviendrai sur ce dernier point dans un prochain article.
Ce que je veux montrer ici, c’est que dans cette lutte des classes réelle mais ignorée par les classes dominées, la classe dominante a conservé, elle, une très forte conscience de classe, et qu’elle en use à son profit. Le combat est dès lors inégal entre une classe dépossédée, éparpillée et sans conscience et une autre qui sait très exactement où se situent ses intérêts.
Pour comprendre la manière dont cette classe se comporte, je me reporterai aux travaux de Michet Charlot et de Monique Pinçon-Charlot, sociologues spécialistes de la très grande bourgeoisie et des inégalités : eux n’hésitent pas à parler du "communisme des riches" pour dénoncer le système par lequel les élites économiques et financières cultivent une réelle solidarité de classe et bénéficient d’un soutien massif de l’État, alors même qu’elles défendent officiellement le libéralisme et la compétition.
Avant de commencer, je vois les haussements d’épaules : « Les riches, les riches, mais de quoi tu nous parles, Bruno ? C’est pas un peu dépassé, ces notions ? ».
Voici un graphique de 2016, avant la politique de Macron que j’aborde un peu par quelques mesures encore plus favorables :

Parce que j’aime citer mes sources et permettre au lecteur de vérifier, voici le lien :
Quand je parle de riches, je suis assez magnanime. Je ne parle même pas des 0,1% de la population qui gagnent plus de 640 000 euros par an : 37 800 foyers par an.
Allez, disons que je commence avec les 0,01% de la population, ceux dont les revenus annuels sont supérieurs à 3,27 millions par an. Je vous laisse imaginer les revenus des autres, les 0,001 et les 0,0002 : ces derniers représentent 75 foyers fiscaux en France qui touchent plus de 150 millions d’euros par an : relisez bien, je ne me suis pas trompé.
Et commencez déjà par observer le graphique. Plus vous êtes à droite, moins vous contribuez proportionnellement au collectif. On pense encore que l’impôt est progressif, redistributif ? Il est où le « pognon de dingues » (Macron) qui manque à l’État ? On y revient en fin d’article.
1. Une solidarité de classe au service des ultra-riches
Contrairement à l’idéologie libérale toujours mise en avant par les membres de cette classe, qui ne rate pas une occasion de prôner la responsabilité individuelle et la concurrence, les Pinçon-Charlot expliquent que les grandes fortunes fonctionnent en réalité comme une caste soudée, pratiquant une forme de collectivisme, « communisme », interne.
- Les grandes familles, les élites économiques et politiques se transmettent richesses et réseaux, garantissant la perpétuation de leur domination.
- Elles disposent d’un accès privilégié aux instances de décision (gouvernements, conseils d’administration, organisations internationales).
- Elles utilisent des stratégies d’optimisation fiscale et de lobbying pour protéger leurs intérêts communs. Selon une étude de 2023 de l'Institut des politiques publiques (IPP), les revenus des 75 foyers français les plus riches sont proportionnellement moins imposés que ceux du reste de la population. France inter a fait un reportage sur le graphique que je vous ai donné en début d’article.
Un taux d'imposition de 26% seulement pour les plus riches
En clair, les 37.800 foyers les plus fortunés, ceux qui touchent plus de 627.000 euros par an, ont un taux d'imposition moyen de 46%. En revanche, ceux qui touchent beaucoup plus, les 0,0002% les plus riches, ne sont imposés qu'à 26% selon les estimations des auteurs de l'étude. Cela concerne 75 foyers fiscaux, dont les revenus dépassent le milliard d'euros.
L’important est que ceci est permis grâce à l’intervention de l’État dont l’impôt, de moins en moins redistributif, perpétue les inégalités. C’est le point suivant.
2. L’intervention de l’État au profit des puissants
Alors que les classes populaires et moyennes sont souvent soumises à des politiques d’austérité, les ultra-riches bénéficient d’une intervention massive de l’État en leur faveur. L’État est bien plus « providence » pour les très très hauts revenus que pour les plus pauvres :
- Baisse des impôts pour les plus riches (suppression de l’ISF, flat tax sur le capital) :
- La suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) sous le mandat d’Emmanuel Macron a bénéficié aux plus riches, privant l’État d’environ 3 milliards d’euros de recettes annuelles ;
- L’introduction de la "Flat Tax" (prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital) a réduit la fiscalité des plus fortunés, qui paient proportionnellement moins d'impôts que les classes moyennes.
L'État a allégé la contribution des plus riches tout en imposant aux citoyens ordinaires de compenser le manque à gagner par d'autres taxes (comme la TVA).
- Niches fiscales et évasion fiscale
- De nombreuses grandes entreprises (Google, Amazon, Apple, Facebook, etc.) profitent des paradis fiscaux et des montages financiers pour payer un impôt dérisoire par rapport à leurs bénéfices.
- En France, des dispositifs comme le CIR (Crédit Impôt Recherche : 7,6 milliards d’euros en 2024, un doublement par rapport à 2013 où il était seulement de 3,2 milliards !) permettent à des multinationales de bénéficier d'importantes exonérations fiscales sans contrôle strict de leur utilité. On s’étonne que l’État soit en déficit ?
- En France, le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi), une aide massive de 100 milliards d’euros en 5 ans, était censé favoriser l’emploi. Or, il n’a pas empêché les grandes entreprises de licencier ou d’augmenter leurs marges. Créé en 2013 et en vigueur jusqu’en 2017, sans doute trop visible en regard de sa faible rentabilité en termes de création d’emploi, il a été remplacé par un dispositif d’allègement des cotisation sociales patronales, beaucoup moins repérable mais avec le même manque à gagner sur le financement du social.
- Les scandales des Panama Papers ou des LuxLeaks ont révélé que de nombreux ultra-riches et multinationales pratiquaient une optimisation fiscale agressive avec la complaisance des États.
- Nationalisation des pertes, privatisation des profits :
Lors des crises financières comme celle de 2008, l’État est intervenu pour sauver les banques qui avaient pris des risques inconsidérés en spéculant mais les bénéfices sont restés privés une fois la situation rétablie.
- Aux États-Unis, le gouvernement a injecté plus de 700 milliards de dollars via le plan TARP (Troubled Asset Relief Program).
- En France, l’État a prêté 360 milliards d’euros aux banques et a mis en place des garanties pour éviter leur faillite. On s’étonne que l’État soit en déficit ?
- En Europe, plusieurs pays ont nationalisé des banques en difficulté, comme l'Irlande ou le Royaume-Uni (sauvetage de la Royal Bank of Scotland).
- En 2020, au début de la crise du Covid-19, l'État français a soutenu des grandes entreprises comme Air France ou Renault avec des milliards d'euros d'aides publiques. Pourtant, quelques années plus tard, ces entreprises ont supprimé des milliers d’emplois ou augmenté les dividendes versés aux actionnaires.
- Un autre exemple est celui du groupe nucléaire Areva, qui a accumulé des dettes avant d'être sauvé par une injection de 4,5 milliards d’euros d’argent public en 2017.
- L’entre-soi des classes dominantes
Le « communisme » des riches est visible à travers des formes de vie attestant leur existence comme classe consciente.
a. Cercles privés et clubs élitistes
Les ultra-riches se regroupent dans des clubs très fermés où l’entrée est strictement contrôlée : le Cercle de l’Union Interalliée à Paris (réservé aux élites politiques, économiques et aristocratiques) ; le Jockey Club ou le Travellers Club, où seuls les héritiers de grandes familles ou les grands patrons sont admis. Aux USA, le Bohemian Club, un cercle secret où se réunissent chefs d’État, grands financiers et personnalités influentes (Bill Clinton, George Bush, Elon Musk, etc.). À Davos, au Forum économique mondial, se retrouvent chaque année les dirigeants les plus riches et influents du monde, loin des citoyens ordinaires : ils donnent les grandes tendances à suivre et les médias sont leur chambre d’écho.
Davos n’est pas le seul cercle d’influence des très riches. Créé en 1954, le Groupe Bilderberg est une conférence annuelle rassemblant des personnalités influentes du monde politique, économique, médiatique et universitaire, principalement d'Europe et d'Amérique du Nord. Les discussions ne sont ni enregistrées ni publiées, ce qui alimente les spéculations sur son influence. Certains médisants – complotistes ! – y voient un cercle restreint où se dessinent des stratégies mondiales au profit des élites économiques et politiques. Plusieurs figures politiques majeures y ont participé avant d’accéder à des postes importants (Bill Clinton, Emmanuel Macron, etc.) : Bruno Lemaire y était en 2019, Gabriel Attal en 2023.
Ces clubs et conférences permettent aux élites de se retrouver entre elles, d'échanger des informations stratégiques et de renforcer leur domination sur l’économie et la politique mondiale.
b. quartiers et résidences ultra-sécurisés
Les ultra-riches vivent dans des endroits isolés du reste de la population : à Paris, c’est le Triangle d’Or (16e, 8e arrondissement, Neuilly-sur-Seine). À Londres, les quartiers de Mayfair, Knightsbridge et Kensington sont prisés par les milliardaires. Aux États-Unis, des "gated communities" (lotissements privés ultra-sécurisés) comme à Bel Air et Beverly Hills en Californie, ou à Palm Beach en Floride, garantissent un entre-soi total.
c. de l’école au mariage entre-soi
Les ultra-riches scolarisent leurs enfants dans des établissements privés et hors de prix :
- En France : Saint-Louis-de-Gonzague (Franklin), Stanislas, l’École Alsacienne.
- En Angleterre : Eton College, où ont étudié la plupart des Premiers ministres britanniques.
- Les lycées privés suisses comme l’Institut Le Rosey, où la scolarité coûte plus de 130 000 € par an. On trouve de nombreuses écoles de tourisme-hôtellerie sur la Riviera de Montreux, avec des coûts annuels ordinairement supérieurs à 80000 euros. La classe dominante du monde entier y envoie ses enfants. On achète son ticket d’entrée dans un monde professionnel de l’entre-soi. Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation, y a scolarisé ses deux filles : il se plaignait de sa retraite insuffisante. On comprend pourquoi.
Dès l’enfance, cette classe s’assure que ses enfants évoluent uniquement parmi les élites économiques et politiques, garantissant la perpétuation de leur domination. Naturellement, les ultra-riches privilégient les mariages entre familles du même monde, pour conserver le patrimoine et renforcer leur pouvoir. Des événements comme le Bal des Débutantes rassemblent la jeunesse dorée mondiale, facilitant la formation de couples au sein de l’élite. Les « rallyes », rien à voir avec les courses automobiles, organisés pour les adolescents et adolescentes en sont des formes régionales
- Les ultra-riches et la bunkerisation verte et dorée
Que font actuellement les ultra-riches ?
Ils prévoient que la lutte des classes et les problèmes de l’accès aux ressources essentielles vont finir par leur compliquer la vie à eux aussi. Alors, ils investissent dans des endroits préservés, loin des foules. La Patagonie, la Nouvelle-Zélande. Ils achètent des iles, c’est plus facile de s’y isoler incognito et d’être inaccessibles. Si vous voulez des exemples, prenez un peu de temps pour lire cet article de Monique Pinçon-Charlot. https://www.slate.fr/societe/bonnes-feuilles-les-riches-contre-la-planete-violence-oligarchique-chaos-climatique-monique-pincon-charlot-editions-textuel-dereglement-climat-survivalisme-milliardaires-environnement-capitalisme
C’est très documenté, on y voit ce genre d’investissement de précaution, de repli, et en même temps de parfait green washing : ces gens disent se préoccuper de la planète. En achetant des milliers d’hectares préservés, ils affichent faire œuvre utile. Green washing parfait !
4. Les réseaux d'influence et le lobbying politique
Mais le plus important est l’investissement des ultra-riches dans la fabrique de l’opinion et dans le fait qu’ils s’assurent, en démocratie, d’avoir des gouvernant qui défendent leurs intérêts. Les ultra-riches financent les campagnes électorales de politiciens qui défendront leurs intérêts. On cite souvent le soutien le Musk à Trump. Mais c’est la même chose côté démocrate : Michael Bloomberg, ancien maire de New York et fondateur de Bloomberg LP, l'un des plus grands fournisseurs mondiaux d'informations financières et de services aux investisseurs, a contribué à hauteur de 50 millions de dollars au Future Forward PAC, un comité d'action politique soutenant la candidature de Kamala Harris. Bill Gates y est allé aussi de ses 50 millions de dollars, Ce Future Forward PAC a collecté plus de 700 millions de dollars pour soutenir la campagne de Kamala Harris en 2024. Au final, une campagne à plus d’1 milliard de dollars https://www.thetimes.com/world/us-world/article/kamala-harris-campaign-spend-democrats-election-2024-p6wppv7fx?utm_source=chatgpt.com®ion=global.
Ne soyons pas surpris si les investisseurs (ceux qui soutiennent un candidat) attendent ensuite un retour sur investissement. Actuellement, ce sont les soutiens de Trump qui présentent la note : Elon Musk et ses 70 millions, Miriam Adelson, veuve du magnat des casinos Sheldon Adelson, pour 90 millions de dollars. En avril 2024, une douzaine de hauts dirigeants du secteur pétrolier, dont Mike Sabel (PDG de Venture Global LNG) et Jack Fusco (PDG de Cheniere Energy), ont assisté à un dîner de collecte de fonds au club Mar-a-Lago de Trump. Lors de cet événement, Trump leur a demandé de contribuer à hauteur d’1 milliard de dollars à sa campagne, en échange de promesses de lever certaines réglementations environnementales.
Les ultra-riches possèdent non des médias mais les médias. Retracez dans la carte ci-dessous les possessions médiatiques de Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Rodolphe Saadat, Xavier Niel, Dassault, Bettencourt. De quoi très largement façonner l’opinion publique et diffuser les deux faces de la même idéologie : pensée unique libérale en économie, pensée unique « progressiste » au plan sociétal.
Conclusion
La mise en évidence du communisme des riches, concept repris des travaux des Pinçon Charlot, permet de critiquer la vision utopique d’un capitalisme contemporain dans lequel les identités de classe ne seraient plus pertinentes.
Si, comme je l’ai montré dans l’article précédent, les classes dominées ont perdu leur conscience de classe, ce n’est pas du tout le cas de la partie supérieure de la classe qui fonctionne consciemment dans une logique de solidarité de classe assurant sa protection, aux dépens du reste de la population.
Les plus fortunés socialisent leurs risques et pertes, tout en continuant à accumuler du capital dans un cadre structuré et favorable. Le rôle des États dans ce processus doit être questionné : Emmanuel Todd parle d’élites stato-financières, parce que ceux que l’on appelait avant les « serviteurs de l’État » ont mis ce dernier au service des intérêts des plus riches : l’entrée du cabinet américain Mc Kinsey dans tous les ministères Macron en est un des plus beaux symboles. Mais le fait que Macron était un associé (un associé n’est plus un salarié : il fait partie des propriétaires de l'entreprise ou de la société de gestion. Il détient des parts (equity) dans la structure et participe aux décisions stratégiques. …) de la banque Rotschild avant de devenir Ministre des finances, puis Président en est un autre !
Quand Macron disait que l’aide sociale coûtait à l’État une « pognon de dingue », il détournait le regard des vrais bénéficiaires. Les aides massives de l’État permettent aux très riches, quelques dizaines, centaines de familles, d’échapper aux règles qu’ils imposent aux autres.
Tout ceci va bien entendu à l'encontre du discours libéral qui valorise la responsabilité individuelle et la méritocratie, alors qu'en réalité, les plus riches bénéficient d’un véritable "filet de sécurité" financé par l’argent public.
Si la lutte des classes semble morte, ce n’est pas parce que les classes n’existent plus mais parce que le combat a cessé faute de combattants. Les dominés ont quitté la partie, pensant participer par quelques miettes qui retombent au festin capitaliste ; ils n’ont plus la conscience d’être dominés et les discours politiques des partis qui devraient les défendre ne leur donnent pas les moyens de penser leur situation.
D’autre part, ces mêmes discours accentuent les clivages et tracent des lignes de partage entre les membres des classes dominées : fonctionnaires contre travailleurs du privé, travailleurs avec un contrat contre travailleurs précaires, travailleurs en emploi contre chômeurs, nationaux contre étrangers, autochtones contre migrants, classe moyenne en voie de paupérisation contre plus pauvres qu’eux.
Pour E. Todd, la bonne lutte des classes, ce serait que tous ces groupes qui coulent ensemble arrêtent de regarder vers le bas, en essayant de faire plus minable celui qui est en dessous, et se remettent à regarder vers le haut. Ils verraient alors quel est leur persécuteur réel, l’aristocratie financière. https://www.marianne.net/politique/emmanuel-todd-en-bas-l-intelligence-progresse-tout-comme-le-taux-de-cretins-diplomes-en
Il me reste à montrer encore au moins deux choses dans ce parcours politique :
- Pourquoi et comment ceux qui tentent encore en France de proposer une analyse sociale et économique sont désormais inaudibles, marginalisés ? Et donc évacués du jeu politique « normal » ? Ceci vaut pour la gauche, mais aussi pour la droite. En miroir, on observera que toute volonté de restaurer une souveraineté politique nationale, qui peut être un pas dans la remise en cause du capitalisme financier, est désormais taxé de « politique d’extrême-droite », avec le même effet : discréditation. C’est le prochain article.
- Pourquoi les discours politiques des partis qui pourraient représenter les intérêts de cette classe sont aujourd’hui plus centrés sur les questions sociétales que politiques et économiques. Pourquoi les partis dits de gauche n’en sont plus vraiment et comment ce glissement s’est-il opéré ? On observera quels effets cela a pu avoir dans l’Histoire récente, et dans la recomposition des lignes entre droite et gauche, difficiles à lire parfois. Ce sera le dernier article de la série.
Disparition des classes sociales ou de la conscience de classe ?
Le 23/04/2025
Article du 23 avril 2025
Un des arguments du centrisme politique consiste à dire que si la gauche n’a plus rien à proposer en matière économique, plus d’alternative possible, c’est parce que la lutte des classes n'existerait plus ou qu'elle aurait perdu de sa pertinence. Dès lors il suffirait de gouverner juste pour le bien commun, tout le monde bénéficiant du pacte économique et social actuellement à l’œuvre. Voici les arguments qui sont le plus souvent utilisés… et quelques éléments de leur réfutation.
L’art de gouverner par le catastrophisme : kits en tous genres !
Le 05/04/2025
Article du 5 mars 2025
Ça a commencé pour moi en 2024. En avril. J’ai vu apparaître, recommandé par la Croix-Rouge française ce que des spécialistes de marketing sans doute bien rémunérés avaient baptisé des « Catakits ». C’est joli, non ? Kit, kitty, chatons…
Être de droite, être de gauche ? (2) Comment on est passé de l'économique et social au sociétal.
Le 05/04/2025
Article du 5 avril 2025
Cet article a pour seul but de confronter les idées de gauche et de droite et les courants politiques historiques qui les ont incarnés. Il n’a d’autre ambition que de mieux mesurer la tension qui existe entre idéal et réalité… et de chercher à comprendre peut-être le désamour des classes populaires pour les incarnations actuelles de la gauche au plan politique. On commencera peut-être aussi à comprendre pourquoi sur certains points le brouillage idéologique s’est installé.